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DE LA MORT.

au bord d’un cercle étroit. Il suivit ses compagnons d’armes ; il se montra dans les combats plus intrépide peut-être qu’il ne s’était jamais montré, mais sans cette bravoure téméraire qui fait mépriser la mort. Son cœur était rempli d’un dédain amer pour sa vie, dont le terme, fixé d’avance, et connu de lui, ne pouvait être ni approché ni reculé. La paix le ramena dans sa patrie ; il revit cette Éléonore qu’il avait tant aimée aux jours d’une ignorance profonde et d’un vaste espoir. Le père de la jeune fille lui rappela qu’elle était son amante ; elle-même rougit et lui rappela qu’elle était sa fiancée ; la propre mère d’Albert, sa vieille mère, qui espérait réjouir ses yeux mourans par le spectacle du bonheur de son fils unique, lui rappela aussi les premiers amours et les premiers désirs de sa jeunesse. Il demeura indifférent à l’amitié d’un père, à l’amour d’une amante, à la tendresse d’une mère, l’œil fixé sur cette heure immobile vers laquelle il était chaque jour de plus