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Au moment où les trois jeunes gens étaient sur le point de prendre congé, le professeur s’informa si l’on avait eu des nouvelles de Louise, la femme de chambre de sa nièce.

L’ingénieur répondit négativement, tout en se disant qu’en somme il y avait quelque chose d’insolite dans l’absence prolongée de cette jeune Parisienne à la fois si sérieuse et si jolie, dont il se souvenait parfaitement bien, et que, lors de leur séjour commun à Vittel, il aimait à taquiner avec son humour sans méchanceté de pince-sans-rire.

— Réellement, on ne l’a pas revue ? disait cependant le professeur. Lui serait-il arrivé quelque accident ? Il faudrait s’adresser à la police.

— C’est ce que Simpson compte faire… répondit Aramond. Mais ne pourrait-on pas envisager l’hypothèse d’une fugue ?

Le professeur secoua la tête.

— Non… répondit-il nettement. Pour qui connaît Louise, cette hypothèse est inadmissible. Il y a certainement autre chose. Souhaitons qu’il ne soit rien arrivé de grave à cette enfant… ajouta-t-il.


CHAPITRE V


Le lendemain, dans la matinée, Aramond fut le premier à descendre de sa chambre, où il avait été s’habiller à l’effet de se rendre au Terminus, où, comme on le sait, Miss Strawford et son fiancé attendaient les trois amis et la sœur de l’ingénieur à déjeuner.

Norberat descendit le deuxième, insouciant et gai, comme toujours, et sifflant comme un merle tout en mettant ses gants.

Bientôt apparut Raibaud, qui semblait avoir soigné particulièrement sa toilette. Il avait l’air absorbé, sinon soucieux.

— Cela ne va pas, ce matin, vieux ? s’informa l’ingénieur.

— Pourquoi cela n’irait-il pas ? répondit le docteur avec effort et d’un ton aussi peu encourageant que possible.

Thérèse descendit la dernière : elle n’aurait pas été femme si elle ne s’était pas fait un peu attendre.

Dans sa toilette à la fois très simple et très élégante, elle était d’ailleurs charmante ; et en l’apercevant, Norberat, mi-plaisant, mi-sérieux, se mit à tourner gravement autour de la jeune fille, avec des exclamations admiratives. À la fin :

— Ravissante, Mademoiselle Thérèse… dit-il. Permettez-moi de vous le dire : vous êtes ravissante…

Thérèse rougit de plaisir. On la sentait à la fois un peu confuse et très heureuse ; et, pour la première fois, en voyant ainsi sa sœur et son ami l’un près de l’autre, Aramond ne put s’empêcher de penser qu’ils feraient un couple charmant.

L’ingénieur songea seulement alors à se souvenir que tout en se taquinant continuellement, les deux jeunes gens s’accordaient fort bien. Il pensa :

— Tiens… Tiens… Tiens…

Aramond aimait beaucoup la mutine Thérèse, qui, depuis la mort de leurs parents, survenue à un an d’intervalle au cours de la guerre, n’avait