Page:Abel Sibrès - Maud.djvu/6

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

flamand de Govaërts (Henri). Il paraissait âgé d’une trentaine d’années tout au plus. Dans tous les cas, ses mouvements étaient étonnamment vifs, et son allure souple et aisée. En sa qualité d’homme du Nord, il était blond, et une barbe presque dorée ornait son visage long et pâle, aux yeux d’un bleu d’acier, dont le clair regard était à la fois froid et hardi. Pour le reste, fort bien mis, quoique sans recherche excessive, et d’apparence très convenable.

En compagnie du notaire, cet Henri Govaërts visita donc Mon-Espoir, et parut trouver la propriété à sa convenance.

Toutefois, avant de donner son acceptation définitive, il tint à s’assurer si l’étroit chemin coupé d’ornières profondes et aussi mal entretenu que possible qui à travers la prairie donne accès à Mon-Espoir était à la rigueur praticable pour une automobile.

Après avoir attentivement examiné ledit chemin sur (out son parcours il crut finalement pouvoir conclure par l’affirmative, et se déclara lors prêt à signer un bail de trois, six ou neuf, en payant une année d’avance.

La semaine suivante, c’est-à-dire au commencement de novembre, Henri Govaërts s’installait à Mon-Espoir.

Installation d’ailleurs rapide, l’habitation que Me Blazier baptisait pompeusement du nom de villa étant louée toute meublée.

Le nouveau locataire n’eut donc à amener avec lui que de menus bagages et un certain nombre de caisses grandes et petites contenant pour la plupart des instruments ou des ustensiles de laboratoire, à la fois fragiles et compliqués.

En plus de ces bagages et de ces caisses, Govaërts avait amené avec lui son auto — un petit landaulet peint en jaune clair — et aussi le valet de chambre qui lui servait en même temps d’aide et de chauffeur, et qu’il appelait Émile.

Émile était un homme entre deux âges, plutôt grand, maigre, brun de teint et de cheveux, au visage fermé, presque sombre. D’humeur taciturne, en public du moins, il ne prononçait peut-être pas trente paroles dans la journée.

D’après son maître, il ne s’agissait pas moins d’un serviteur de ressource, qui savait faire beaucoup de choses, sauf toutefois la cuisine, ce qui obligea Govaërts à chercher dans Mouzonville une bonne susceptible de faire en même temps une cuisinière.

Ledit Govaërts tenait par-dessus tout à avoir quelqu’un de sérieux, dût-il s’agir d’une personne déjà âgée ; et il finit par s’entendre avec la mère Frossart.

La mère Frossart habitait l’étroite, rapide et pittoresque rue du Putoir C’était une veuve de guerre sans enfants ayant dépassé la quarantaine, au physique plutôt corpulente, au moral parfaitement honnête et respectable, à qui l’on ne pouvait guère reprocher qu’une intelligence plutôt bornée et une grande crédulité. On la disait couramment capable de croire que la lune était tombée une belle nuit au milieu de la place Carrière. Au reste, très brave femme, nous le répétons, et bonne cuisinière.

L’ayant mise sous ce rapport à l’épreuve, Govaërts s’en déclara satisfait. Et il fut entendu que la mère Frossart, qui préférait coucher chez elle,