Page:Abel Sibrès - Maud.djvu/76

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trouvait toujours rien. Elle sentait seulement que c’était dans le sens d’une évasion qu’il fallait chercher à agir. Une évasion était la seule solution réellement efficace ; l’évasion, non plus seulement de Maud, mais de Mary.

— Nous deux ensemble… pensait la jeune femme. Si je pouvais arriver près d’elle et lui parler sans témoins, je finirais bien par la convaincre de la nécessité de fuir. Mais comment arriver près d’elle ? Et puis, impossible de songer à s’enfuir par sa fenêtre, dont les persiennes sont cadenassées…

Malgré tout, Maud n’en alla pas moins à sa fenêtre à elle, afin d’examiner les environs, et de se rendre compte des obstacles extérieurs qui s’opposeraient à une fuite éventuelle.

Or, une fois dans le jardin, d’obstacles il n’y en avait pour ainsi dire plus, car le mur de clôture était peu élevé et devait être facile à franchir Après, c’était la prairie, au milieu de laquelle Maud distinguait par endroits, entre deux clos, le chemin qui menait à la ville, à la liberté, au salut…


La nuit était venue depuis quelque temps déjà, et, après avoir allumé une lampe, Maud s’était mise à lire, lorsqu’il lui sembla entendre marcher avec précaution dans le couloir.

Bientôt, deux coups très légers furent frappés à sa porte, qui, presque immédiatement, s’ouvrit lentement et sans bruit, et sur le seuil apparut la silhouette de Fredo — un Fredo à barbe et à binocles, c’est-à-dire mué en Govaërts, et qui, un doigt sur ses lèvres pour indiquer la nécessité du silence, fit de l’autre main signe à la jeune femme de venir le rejoindre.

Puis, laissant la porte ouverte, Fredo marchant sur la pointe des pieds traversa le couloir dans sa largeur et s’arrêta contre le mur opposé dans lequel, en cet endroit, trois pitons étaient plantés à une hauteur d’environ un mètre cinquante. Sans effort apparent, Fredo enleva deux de ces pitons, fichés dans des morceaux de bois cylindriques d’environ un centimètre de diamètre. Dans le mur apparurent alors deux petites ouvertures de même diamètre, par lesquelles on pouvait voir tout ce qui se passait de l’autre côté, c’est-à-dire dans la chambre de Miss Strawford.

Et chacun l’œil collé à l’une de ces ouvertures, Fredo et Maud regardèrent.

Miss Strawford était assise dans un fauteuil et lisait.

Sous la clarté d’une lampe à pétrole posée sur un guéridon, on la voyait presque de face, vêtue d’une robe d’intérieur foncée très simple, laissant les bras demi-nus, et dégageant légèrement le cou blanc et gracieux. Son visage était pâle et amaigri, mais, malgré tout, Maud s’attendait à a trouver plus changée.

C’était la première fois que la jeune femme voyait la véritable Mary à loisir, et d’aussi près, Jamais encore sa ressemblance avec elle n’avait encore frappé à ce point Maud, qui, en la regardant, éprouvait une impression étrange, et se demandait si elle n’était pas double, si elle ne trouvait pas à la fois et dans l’intérieur de cette chambre, et dans le couloir, en train de se regarder…

Cependant, dans la chambre, à quelques pas de Miss Strawford, Julie, cette femme qui servait à la fois de servante et de gardienne à la captive, disposait le couvert sur une petite table.