Page:Abelard Heloise Cousin - Lettres I.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ceux-ci, triomphants, me donnent la mort, ou si, loin de vous, quelque accident me fait toucher le terme où s’achemine toute chair, que mon cadavre, que mon corps, qu’il ait été enterré ou abandonné, soit rapporté par vos soins, je vous en supplie, dans votre cimetière, afin que la vue habituelle de notre tombeau invite nos filles, que dis-je, nos épouses en Jésus-Christ, à répandre plus souvent pour moi leurs prières devant le Seigneur ; car pour une âme contrite et désolée de ses péchés, il n’est point, à mon avis, de plus sur et de plus salutaire asile que celui qui a été spécialement consacré au véritable Paraclet, c’est-à-dire au Consolateur, et qui est particulièrement orné de son nom. Je ne crois point d’ailleurs qu’il existe chez les fidèles un lieu plus convenable pour une sépulture chrétienne qu’un couvent de femmes vouées au Seigneur. Ce sont des femmes qui, prenant soin de la sépulture de Notre-Seigneur Jésus-Christ, embaumèrent son corps de parfums précieux, qui précédèrent et suivirent sa dépouille, qui veillèrent à la garde de son tombeau et déplorèrent la mort de l’époux, ainsi qu’il est écrit : « Les femmes, assises auprès du tombeau, se lamentaient en pleurant le Seigneur. » Aussi furent-elles tout d’abord consolées, au pied même du tombeau, par l’apparition et par les paroles de l’ange qui leur annonça la résurrection ; et elles méritèrent ensuite de goûter les joies mêmes de la résurrection et de toucher de leurs mains le Christ qui, deux fois, leur apparut.

Enfin ce que je vous demande alors par-dessus toute chose, c’est de reporter sur le salut de mon âme la sollicitude trop vive où vous jettent aujourd’hui les périls de mon corps, et de prouver au mort l’ardeur de l’attachement que vous éprouviez pour le vivant, par l’assistance spéciale et toute particulière de vos prières.

Vivez en paix et en santé, vous et vos sœurs. Vivez, et souvenez-vous de moi, en Jésus-Christ.