Page:Abelard Heloise Cousin - Lettres I.djvu/257

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ce qui doit rappeler aux femmes que le Paradis est leur patrie naturelle, et qu’elles doivent chercher dans le célibat une vie conforme à celle du Paradis. C’est ce qui fait dire à saint Ambroise, dans son livre du Paradis : « Dieu prit l’homme qu’il avait fait et l’établit dans le Paradis. » Vous le voyez, il a pris celui qui était déjà, pour le placer dans le Paradis. Ainsi l’homme a été fait hors du Paradis, et la femme dans le Paradis. L’homme, qui a été créé dans un lieu moins noble, se trouve le meilleur, et la femme, qui a été créée dans un lieu supérieur, se trouve la moins bonne.

D’autre part, le Seigneur a racheté dans la personne de Marie la faute d’Eve, origine de tous les maux de ce monde, avant que celle d’Adam eût été réparée par Jésus-Christ. Et, de même que la faute, la grâce nous est venue par la femme, et les saints priviléges de la virginité ont refleuri. Déjà Anne et Marie avaient offert aux veuves et aux vierges le modèle de la profession religieuse, quand Jean et les Apôtres donnèrent aux hommes des exemples de vie monastique.

Que si, après Eve, nous considérons la vertu de Débora, de Judith et d’Esther, nous conviendrons qu’elle est pour le sexe fort un sujet de honte singulière. Débora, en effet, juge d’Israël au défaut des hommes, livra bataille, vainquit les ennemis, délivra le peuple de Dieu et remporta le plus complet des triomphes. Judith, sans armes, accompagnée d’une seule servante, attaqua un ennemi terrible, trancha de son propre glaive la tête d’Holopherne, seule enfin, tailla en pièces une armée entière et délivra son peuple qui désespérait. Esther, par une inspiration secrète de l’Esprit-Saint, bien qu’unie contre la loi à un prince idolâtre, prévint le dessein de l’impie Aman et le cruel arrêt du roi, et, en moins d’un instant, pour ainsi dire, retourna contre son adversaire la sentence prononcée par la volonté royale. On regarde comme un prodige de valeur que David, avec une fronde et une pierre, ait attaqué et vaincu Goliath : Judith n’était qu’une veuve, et elle n’avait ni pierre, ni fronde, ni arme d’aucune sorte, quand elle marcha contre une armée ennemie pour la combattre. C’est par la parole seule qu’Esther délivra son peuple, et tournant contre ses ennemis le décret de proscription, les précipita dans le piège qu’ils avaient tendu : délivrance insigne, en souvenir de laquelle les Juifs célèbrent tous les ans une fête solennelle, honneur que n’obtint aucun homme par ses actions, si éclatantes qu’elles aient été.

Qui n’admirerait l’incomparable fermeté de la mère que, selon l’histoire des Machabées, l’impie Antiochus fil saisir avec ses sept enfants, et essaya vainement de contraindre à manger, contre la loi, de la chair de porc ? Cette mère, oubliant tous les sentiments de la nature et de l’humanité, pour ne plus voir que Dieu, après avoir glorieusement subi le martyre dans chacun de ses enfants que, par ses saintes exhortations, elle envoya devant elle à la couronne qui les attendait, consomma son propre martyre. Feuilletons tout