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INTRODUCTION


Il est peu de noms aussi populaires que ceux d’Héloïse et d’Abélard. Par leur vie, par leur œuvre, ils appartiennent l’un et l’autre, a dit V. Cousin[1], « à l’histoire de l’esprit humain. » Disciple, puis rival et vainqueur de Guillaume de Champeaux, la colonne des docteurs ; condamné pour la hardiesse de son enseignement, obligé de fuir et partout suivi par sa renommée ; chef d’École et presque martyr de ses opinions, Abélard a la gloire d’avoir, l’un des premiers, introduit dans la théologie les règles de la dialectique et revendiqué, en morale, les droits de la raison : c’est un précurseur de Descartes[2]. Dans une sphère plus modeste, Héloïse ne joue pas un moindre rôle. Dès sa jeunesse, elle étonne et ravit Pierre le Vénérable par l’étendue de son savoir. Saint Bernard, au comble de la puissance, s’avoue vaincu par la fermeté de sa raison. Malgré les liens qui l’attachent invinciblement à Abélard, la cour de Rome la bénit, et la Règle, empreinte d’un libre et sage esprit, qu’elle avait donnée au Paraclet, devient la base des constitutions de tous les monastères de femmes de son temps. Mais il y a quelques années à peine que les titres d’Abélard et d’Héloïse à l’admiration de la postérité ont été mis en lumière ; et ce qui a immortalisé leur souvenir dans les imaginations exaltées, ce sont moins les œuvres qui témoignent de

  1. Ouvrages inédits d’Abélard, pour servir à l’histoire de la philosophie scolastique en France, Introduction.
  2. V. Cousin, Introduction déjà citée. Cf. Ch. de Rémusat ; Abélard, sa vie, sa philosophie et sa théologie, t. II ; J. Simon, Abélard et la philosophie au douzième siècle ; Revue des Deux-Mondes, 1846, I ; Ch. Lévêque, Études de philosophie grecque et latine, 4e étude, ch. iii et iv.