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LETTRES D’ABÉLARD ET D’HÉLOlSE.

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vous-même en interpréter le sens, conformément aux leçons que tous avez reçues dans l’Église. Tâchez, vous aussi, d’étancher votre soif à la source de votre esprit. Vous avez en vous un fonds d’eau vive, une source intarissable, un courant d’intelligence et de raison : ne les laissez pas combler par la terre et les pierres. Creusez votre terrain d’une main ferme, nettoycz-le, c’est-à- dire cultivez votre esprit, écartez-en la mollesse et l’engourdissement. Écoutez ce que dit l’Écriture : « Piquez votre œil et il en sortira des lar- mes ; piquez votre cœur, et il en sortira de l’intelligence. » Purifiez donc votre esprit, afin d’arriver à boire de l’eau vive de Jésus, et si vous la gardez fidèlement, elle deviendra pour vous une source jaillissante dans h vie éter- nelle, i Et encore, dans l’Homélie suivante sur les puits d’Isaac. « Ces puits, dit-il, qui avaient été comblés par les Philistins, ceux-là les comblent évi- demment qui ferment l’intelligence spirituelle, en sorte qu’ils n’y boivent pas eux-mêmes et qu’ils ne permettent pas aux autres d’y boire. Écoutez plutôt le Seigneur : t Malheur à vous, scribes et pharisiens qui avez perdu la clef de la science, qui n’êtes pas entrés vous-mêmes et qui n’avez pas laissé entrer ceux qui le voulaient I »

Pour nous, ne nous lassons pas de creuser des puits d’eau vive, approfon- dissons les anciens, creusons-en de nouveaux, prenons pour modèle ce scribe de l’Évangile dont le Seigneur a dit «t qu’il tira de son trésor des pièces de monnaie anciennes et nouvelles. » Et encore : imitons Isaac, et creusons avec lui des puits d’eau vive : les Philistins, dussent-ils s’y opposer et nous cher- cher querelle, n’en persévérons pas moins à creuser des puits avec lui, afin qu’il nous soit dit, à nous aussi : « buvez de l’eau de vos vases et de vos puits. » Creusons jusqu’à ce que l’eau déborde dans nos places publiques. Que la science des divines Écritures ne donne pas seulement satisfaction à nos pro- pres besoins ; éclairons les autres, apprenons-leur à boire. Que les hommes boivent et les animaux aussi, suivant cette parole du Prophète : « Seigneur, vous sauverez les hommes et les bêtes de somme. » Et quelques lignes plus bas : c Celui qui est Philistin et qui n’a que le goût de la scieuce terrestre ’ ne saurait pas plus trouver de l’eau dans le monde entier, que trouver le sens intelligent des choses ? »

A quoi bon la science, pour n’en pas faire usage ? À quoi bon la parole, pour ne s’en point servir ? C’est ressembler aux enfants d’Isaac qui creusaient partout des puits d’eau vi\e. Qu’il n’en soit pas ainsi de vous. Fuyez tout vain partage, et que celles d’entre vous auxquelles est échue la grâce d’ap- prendre s’attachent à s’instruire des choses de Dieu, ainsi qu’il est écrit du saint homme : « Sa volonté repose sur la loi de Dieu, et il méditera sur la loi nuit et jour. » Pour prouver l’utilité de celte étude assidue de la loi du Seigneur, il est dit ensuite : « Et il sera comme un arbre planté au bord d’un ruisseau. » En effet, ce qui n’est point arrosé par les eaux de la divine parole est comme un arbre sec et stérile, tandis qu’il est écrit de la sainte Ecriture : « Il coulera de son sein des fleuves d’eau vive, »