LETTRE D’ABÉLARD
AUX VIERGES DU PARACLET
SUR L’ÉTUDE DES LETTRES
Saint Jérôme, très-occupé de l’instruction des vierges du Christ, leur recommande particulièrement, dans les conseils qu’il trace | our leur édification, l’étude des lettres, et il les engage moins à les cultiver par des exhortations, qu’il ne les y invite par des exemples. Se souvenant, en effet, de la maxime qu’il adresse à Rusticus : « Aime la science des Écritures, et tu n’aimeras pas les vices de la chair, » il pensait que l’amour des let- tres était d’autant plus nécessaire pour les femmes, qu’il les savait moins bien aimées naturellement et plus faibles contre la tentation de la chair. Aussi pour exhorter les vierges, ne tire-t-ilpas seulement ses arguments des vierges, il. invoque, comme base de comparaison, l’exemple des veuves et des femmes mariées ; il veut pousser les fiancées du Christ à cette étude par les femmes du siècle, il veut, par l’exemple de la vertu des laïques, se- couer la torpeur des religieuses et piquer leur émulation. Mais comme, suivant le mot de Grégoire, il est d’usage de commencer par les plus petites choses pour arriver aux plus grandes, je veux indiquer tout d’abord avec quel zèle il s’est attaché à pénétrer, pour ainsi dire, les toutes jeunes vierges des saintes lettres.
Je laisse de côté les autres exemples ; je citerai seulement ce qu’il écrit à LaHa pour la direction de l’éducation morale de sa fille Paule, comme règle littéraire. « Elle doit être formée, dit-il, comme une àme qui sera un jour le sanctuaire de la Divinité. Donnez-lui des lettres de buis ou d’ivoire, et qu’elle en appelle les noms. Qu’elle s’en amuse, et que cet amusement lui soit un moyen d’instruction. Et qu’elle ne reticune pas seulement l’ordre des lettres, en sorte que la mémoire des noms devienne comme machinale.