Page:Abelard Heloise Cousin - Lettres II.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

même ; sainte Marcelle, dis-je, opposa publiquement résistance au courant, aimant mieux plaire à Dieu qu’aux hommes…..Ce fut le signal de la condamnation des hérétiques : des témoins furent cités, qui, d’abord régulièrement instruits, avaient ensuite été saisis par l’hérésie ; la multitude des viclimcs de l’erreur fut mise en lumière ; des masses d’exemplaires sacrilèges du iripl ’Apxûv furent produits, qui avaient été évidemment corrigés par une main venimeuse ; les hérétiques furent invités coup sur coup à venir se défendre : ils n’osèrent pas se présenter. Telle fut la force de la conscience, qu’ils aimèrent mieux se laisser condamner par défaut que de s’exposer à être convaincus. Et l’origine de cette victoire si glorieuse, c’était Marcelle. » Vous voyez, mes très-chères sœurs, quel fruit produisit, pour la répres- sion des hérétiques, l’admirable zèle d’une femme se plaçant à la tête de tous les fidèles d’une ville, et par quel éclat de lumières une femme dissipa les ténèbres de la science des plus grands docteurs de l’Église.

Voici ce que le même auteur, dans le préambule du premier livre sur l'Épitre de Paul aux Galates, dit de l’étude que cette femme faisait des saintes Écritures, étude qui lui valut cette victoire ; que ces paroles vous servent d’exhortation. « Je connais son ardeur, sa foi, l’ardent désir qui embrase son cœur de s’élever au-dessus de son sexe, d’effacer les hommes, de faire retentir les tambours des saintes lettres, de franchir la mer Rouge de ce siècle. Oui, quand j’étais à Rome, jamais elle ne manqua d’accourir, dès qu’elle m’aperçut pour me poser quelques questions au sujet des Écritures. Et elle n’admettait pas toute réponse comme satisfaisante, à la manière des pythagoriciens ; l’autorité ne prévalait pas auprès d’elle sans raisons préalables ; elle pesait tout, se rendait compte de chaque chose avec finesse, si bien que je sentais en elle moins un disciple qu’un juge. » Telle était, à cette époque, chez les femmes comme chez les hommes, l’ardeur du zèle pour les lettres, que non contentes des ressources que leur offrait leur propre langue, les femmes remontaient jusqu’à la source ce cours des saintes Écritures dont elles possédaient un léger filet ; elles ne croyaient pas qu’elles dussent se satisfaire de la pauvreté d’une seule langue. De là ce passage d’une lettre du même docteur à Pau le, au sujet de la mort de sa fille Blésilla. Voici ce que, entre autres choses, il écrit particulièrement à sa louange. « Qui pourrait rappeler sans douleur la vivacité de sa parole, l’éclat de son langage, la fidélité de sa mémoire, la pénétration de son esprit ? A l’entendre parler grec, on aurait cru qu’elle ne savait pas le latin. Se mettait-elle à parler latin, son langage n’avait aucun accent étranger. Bien plus, merveille que la Grèce entière admire daus le grand Origène lui-même, ce n’est pas en quelques mois, c’est en quelques jours qu’elle avait si bien triomphé des difficultés de la langue hébraïque, qu’elle était de force à le disputer à sa mère dans l’intelligence et dans le chant des psaumes. »

Sa mère elle-même, Paule, et son autre fille Eustochie, vierge consacrée à Dieu, n’étaient pas moins occupées de l’étude des lettres et des langues ;