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Page:Abelard Heloise Cousin - Lettres II.djvu/168

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LETTRE D’ABÉLARD AUX VIERGES DU PARAGLET. 405

néanmoins, j’allai à Alexandrie ; je suivis les cours de Didyme, et j’ai bien des grâces à lui rendre : ce que je ne savais pas, il me l’a appris ; ce que je savais, grâce â lui, je ne l’ai pas perdu. On croyait que j’étais arrivé au terme de mes études : d’Alexandrie, je passai à Jérusalem et à Bethléem ; et que ne m’en coùta-t-il pas, à tous égards, pour avoir, la nuit, les leçons de Barrabas I car il craignait les Juifs. C’était pour moi un autre Nicodème. Je rappelle plus d’une fois tous ces maîtres dans mes ouvrages. ».

Considérant le zèle d’un si grand docteur et de ces saintes femmes pour les saintes Écritures, je vous ai engagées, — et je vous prie incessamment de suivre ce conseil, — à vous appliquer à ces hautes études, aujourd’hui que la chose est possible et que vous avez une mère habile dans les trois langues, en sorte que, si quelque discussion s’élève sur des diversités de traduction, vous puissiez vous-même trancher la difficulté. L’inscription de la sainte Croix, rédigée en hébreu, en grec et en latin, me semble une exacte figure de la chose. Elle signifie que la connaissance de ces langues maîtresses doit régner dans l’Église universelle, les .deux Testaments étant écrits dans ces trois langues. Et, pour les approfondir, vous n’avez pas besoin de longs voyages et de grands frais comme saint Jérôme : dans votre mère, je l’ai dit, vous trouvez une maîtresse.

Après les vierges et les veuves, les femmes mariées elles-mêmes peu- vent vous être présentées à titre de modèles, soit comme reproche pour votre négligence, soit comme stimulant pour votre ardeur. En effet, elle vous donne aussi l’exemple, cette vénérable Célantia qui, voulant, en état de mariage, vivre suivant la loi, demanda avec instance à saint Jérôme de vouloir bien lui tracer une règle de mariage. Et voici ce que saint Jérôme lui répondit :

« J’ai hésité longtemps à répondre à l’appel de vos lettres, je l’avoue : un sentiment de réserve m’imposait le ?ilence. Vous persistez néanmoins, et vous persistez avec les instances les plus pressantes, à me demander de vous tracer, d’après les saintes Écritures, une règle applicable à votre vie. Connaissant la loi de Dieu, vous préférez aux honneurs du monde, aux attraits de la richesse, le trésor de la vertu ; vous voulez pouvoir, en état de mariage, plaire à votre époux et à Celui qui a noué les liens qui vous unissent. STe point donner satisfaction aune demande si sainte, à un désir si pieux, serait-ce autre chose que ne pas aimer le progrès d’autrui ? Je me rendrai donc à vos prières, et puisque vous êtes prête à remplir la volonté de Dieu, je vous prêterai l’encouragement de mes conseils. »

Elle connaissait sans doute, cette noble femme, ce que l’Écriture rappelle à l’honneur de sainte Suzanne. Elle était belle, dit l’Écriture ; elle craignait Dieu, ce qui est la source de la vmie beauté de l’âme, et elle ajoute aussitôt : c Ses parents, qui étaient des justes, firent instruire leur fille suivant la loi de Moïse. » Et Suzanne, n’oubliant pas ses études au milieu des soucis du mariage et des désordres du monde, mérita, condamnée â mort, de con-