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QUESTIONS D'HÉLOÏSE ET RÉPONSES D’ABÉLARD. 415

Pourquoi tout cela, ô maître cher à tant de cœurs, mais à nul plus qu’au nôtre ? Ce n’est pas une leçon, c’est un avertissement. Je veux vous rappeler ce que vous avez promis, et vous inviter à payer votre dette. Vous avez réuni dans un temple à vous les servantes du Christ, vos tilles spirituelles, vous les avez soumises au joug du Seigneur ; vous avez pris l’habitude de nous exhorter à nous appliquer à l’intelligence de la parole divine, à nous livrer à la lecture des saints livres ; vous nous avez recommandé l’étude des Écritures, disant qu’elles étaient comme le miroir de l’âme, où chacun pouvait juger de sa laideur ou de sa beauté ; aucune épouse du Christ, à vous entendre, ne doit négliger ce miroir, pour plaire à celui auquel elle s’est donnée. A ces exhortations, vous ajoutiez que lire l’Écriture, sans en bien pénétrer le sens, c’était mettre un miroir sous les yeux d’un aveugle.

Sensibles à ces avis pressants, et en cela comme en tout le reste faisant de notre mieux pour accomplir envers vous les devoirs de l’obéissance, nous avons été saisies, nos sœurs et moi, de cet ardent amour des lettres dont le docteur que je cite a dit : « Aime la science des Écritures, et tu n’aimeras pas les vices de la chair. » Mais, troublées dans cette étude par un grand nombre de difficultés, notre zèle s’est ralenti. Les obscurités que nous rencontrons dans l’intelligence des saintes Écritures nous en détachent, sentant que notre peine est stérile. Nous venons donc, comme des disciples à leur maître, comme des filles à leur père, vous adresser quelques petites ques- tions, et nous vous demandons en suppliant, nous vous supplions en deman- dant, de ne pas dédaigner de vous appliquer à les résoudre, vous sur les avis, sur l’ordre duquel nous les avons abordées. Nous ne suivrons pas dans l’énumération de ces questions l'ordre des Écritures : nous en poserons les termes et nous en solliciterons la solution, au jour le jour, comme elles viendront.

PREMIERS QUESTION d’HÉLOÏSE.

Pourquoi le Seigneur, dans l’Évangile de saint Jean, sur l’Esprit saint qu’il allait envoyer sur la terre, fait-il celle promesse : « Et, lorsqu’il sera venu, il accusera le monde au sujet du péché, de la justice, du jugement ; au sujet du péché, parce qu’ils n’ont pas cru en moi ; au sujet de la justice, parce que je vais à mon Père et que vous ne me verrez plus ; au sujet du jugement, parce que j’ai été jugé comme roi de ce monde ? »

Réponse d’Abélard.

I1 accusera, par les apôtres qu’il remplira de son esprit, non pas une partie du monde, mais le monde entier, au sujet du péché demeurant chez les hommes, cl retenu par eux parce qu’ils n’ont pas cru en moi. Il les accusera, au sujet de la justice, c’est-à-dire de la justice que je suis venu leur offrir, qu’ils n’ont pas su prendre pendant que j’étais sur terre, mais qu’ils ne peuvent plus rappeler, et qu’ils ne reverront plus, aujourd’hui que