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QUESTIONS D’HÉLOlSE ET RÉPONSES D’ABÉLARD. 493

Réponse d’Abélard.

L’Apôtre dit, dans ce passage, l’esprit pour la raison, c’est-à-dire pour la partie intelligente de l’âme, comme lorsqu’il dit ailleurs : « L’esprit contre la chair. » Ces mots : « Que votre esprit soit pur, » veulent donc dire : que votre raison soit si parfaite et si incorruptible qu’elle ne soit entraînée hors des voies de la vérité par aucune erreur. Par âme il entend la volonté, comme dans ce passage : « Celui qui aime son âme la perdra, » c’est-à-dire, celui qui suit sa volonté sera dans la suite privé de sa volonté, en ce sens que celui qui aura accompli sa volonté n’aura plus dans l’avenir à quoi ap- pliquer sa volonté. Notre âme, c’est-à-dire la volonté, est doue pure, quand elle ne se distingue pas de la volonté divine. Le corps aussi est conservé pur, quand l’exercice des sens n’est pas corrompu par les attraits de la chair, que notre œil ne vole pas notre âme, « et que la mort n’entre pas par nos fenêtres. » On est sanctifié en ces (rois choses, quand ni dans les appli- cations de l’intelligence, ni dans les entraînements de la volonté, ni dans les satisfactions des sens, on ne perd pas la mesure, en sorte que la chair reste maîtresse de l’esprit. C’est ainsi que l’on est conservé sans tache, c’est-à-dire sans défaut, jusqu’à la venue du Seigneur ; et quand on demeure tel jusqu’au jour du jugement, on mérite d’être trouvé tel au jour même du jugement.

V1NGT-RBUVIÈME QUESTION d’uÉLOISB.

Que signiûe ce passage de l’épitre aux Éphésiens : « En sorte que vous puissiez comprendre, avec tous les saints, ce que c’est que largeur, longueur, élévation, profondeur, et savoir que l’amour du Christ est supé- rieur à toute science, si bien que vous soyez remplis de toute la plénituda de Dieu ? »

Réponse d’Abélard.

« Que vous puissiez comprendre, » c’est-à-dire que vous puissiez éprouver sur vous-même combien est grande leur largeur dans l’amour du pro- chain, — par leur, je veux dire la largeur des saints, — largeur, qui est telle que leur cœur se dilate jusqu’à embrasser leur ennemis. « Leur lon- gueur, » c’est-à-dire la longanimité de leur persévérance, de leur charité et de leur patience par la charité qui supporte et souffre tout, c Leur élé- vation et leur profondeur, » j’entends par là combien ils sont grands par la quantité de leurs mérites aux yeux de Dieu et combien ils sont petits et faibles, à leurs propres yeux, par l’humilité. Profondeur, en effet, veut dire ce qui est au fond, ce qui est bas. Combien, au contraire, ils sont grands et élevés pour Dieu, ils le reconnaîtront dans la récompense qui leur sera décernée : car ils mériteront d’être exaltés d’autant plus haut qu’ils auront été plus humbles, et de recevoir d’autant plus qu’ils reconnaîtront que, par eux-mêmes, ils possèdent moins.