Page:Abelard Heloise Cousin - Lettres II.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LETTRES D’ADtLARD ET D’HÉLOlSE. 963

Afin donc de pouvoir conserver la concorde en toutes choses, il convient qu’il y ait une seule supérieure, à qui toutes les autres obéissent en tout. Au-dessous d’elle, et selon qu’elle l’aura elle-même décidé, quelques autres seront établies pour remplir certaines fonctions ; elles dirigeront les minis- tères dont elle les chargera, dans la mesure qu’elle déterminera ; ce seront comme autant de chefs et de conseils dans l’armée du Seigneur ; les autres formeront le corps de l’armée, les soldats qui, s’en remettant à leurs chefs de la direction, combattront librement contre le démon et ses satellites,

Or, pour toute l’administration du monastère nous croyons qu’il faut sept maîtresses, autant et pas plus : la portière, la cellérière, la robière, l’infirmière, une chantre, une sacristine, enfin une diaconesse, qu’on nomme aujourd’hui abbesse. Dans ce camp donc, qui renferme, pour ainsi parler, une milice divine, ainsi qu’il est dit : « la vie de l’homme sur terre est une vie de combat ; » et ailleurs : a elle est terrible comme une armée rangée en bataille, » — la diaconesse lient la place du général en chef à laquelle tout le monde obéit en tout. Les six autres sœurs appelées officié- res,qui commandent sous elle, ont rang de chefs ou de consuls. Toutes les autres religieuses, que nous appelerons cloîtrières, sont les soldats qui ac- complissent le service divin. Quant aux sœurs converses qui, en renonçant an monde, ont fait vœu d’obéissance aux religieuses, semblables aux hom- mes de pied, elles tiennent, sous un habit de religion qui n’est pas l’habit monastique, le rang inférieur.

VU. Il me reste maintenant, Dieu aidant, à déterminer le caractère de chacun des grades de cette milice, afin qu’elle soit véritablement une ar- mée rangée en bataille. Commençant, comme on dit, par la tète, qui est la diaconesse, examinons d’abord ce que doit être celle par qui tout doit être réglé. L’Apôtre saint Paul, dans la lettre à Timothée que nous avons précé- demment citée, indique expressément combien sa sainteté doit être supé- rieure et éprouvée, quand il dit : « qu’on choisisse une veuve qui ne compte pas moins de soixante ans, qui n’ait eu qu’un mari, dont on puisse rendre le témoignage qu’elle a fait de bonnes œuvres, élevé des enfants, donné l’hos- pitalité , lavé les pieds des saints, assisté les malheureux, accompli toute espèce de bien ; quant aux jeunes veuves, il faut les éviter. » Et plus haut, en réglant la vie des diacres, il avait dit, au sujet des diaconesses : « que les femmes soient également chastes, point médisantes, sobres, fidèles en toutes choses. » Quelle est la raison, quel est le motif de toutes ces exi- gences ? Nous l’avons, je pense, suffisamment démontré dans notre lettre précédente ; nous avons surtout assez expliqué pourquoi l’Apôtre veut qu’elles u’aient eu qu’un seul mari et qu’elles soient d’un âge avancé.

Aussi ne sommes-nous pas peu surpris que l’Église ait laissé s’invété- rer la dangereuse coutume de choisir des filles plutôt que des veuves, si bien que ce sont les jeunes qui commandent aux vieilles. Et cependant