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QUESTIONS DHELOÏSE ET RÉPONSES D’ABELARD. 501

Nous avons plusieurs hymnes des saintes femmes, celles de Débora et de Judith, celle d’Anne, mère de Samuel, et colle de Marie, mère du Seigneur, sur le fruit qui leur a été confié par le Seigneur, et qui devait rendre Tune, alors stérile, mère d’un si grand prophète, l’autre, encore vierge, mère du Sauveur du monde. Cette hymne d’Anne, ainsi que celle de la Vierge souveraine, l’Église a coutume de les chanter, non-seulement à cause de la sainteté de la mère et de l’importance du fruit qui lui a été confié dans la personne de Samuel, cette souche particulière des prophètes, et comme la première de celles qui furent offertes à Dieu, mais parce qu’au- cun prophète ne parait avoir prophétisé, dans ses hymnes, le Christ et son règne aussi clairement qu’Anne. En effet, elle dit du père du Christ et du Christ lui-même : « Le Seigneur jugera l’univers, et il donnera l’empire à son roi, et il exaltera l’étendard de son Christ. > A cette époque, il n’y avait pas encore de roi, dans Israël, à qui les actions de grâces de cette prophétie pussent s’adresser. C’est donc elle qui la première mérita d’annoncer claire- ment le Christ, c’est-à-dire le vrai Messie, et de prédire manifestement sa venue, prédiction dont Marie chante l’accomplissement, comme si la pro- phétie, non moins que la maternité de la femme stérile, eût éclairé la foi de la Vierge.

TRENTE-QUATRIÈME QUESTION d’hÉLOISE.

Jfaici encore qui fait question pour nous : « Jusqu’à ce que, stérile, elle mît au monde beaucoup d’enfants. » Sans doute, l’Écriture dit bien ensuite qu’après Samuel, Anne mil au monde trois fils et deux filles. Mais au mo- ment où elle chantait cette hymne, elle n’avait encore eu que Samuel. Comment aussi, dit-elle de ses Gis « beaucoup » et des fils de Fénenna, sa rivale, « plusieurs, » comme si elle en avait eu plus que Fénenna ? L’Écri- ture ne détermine pas, il est vrai, le nombre des enfants qu’eut Fénenna. Quelques-uns pensent toutefois ^qu’elle en eut plus qu’Anne, c’est-à-dire sept.

Réponse d’Abélard.

Il n’y a pas lieu d’entendre dans ce passage « beaucoup > comme un terme de comparaison relativement à un nombre moindre. Les mots« beau- coup » et « plusieurs » sont employés ici dans un sens absolu. Ce sont deux mots différents pour exprimer une même chose. D’autre part, rien ne s’oppose à ce qu’Anne eût eu plusieurs fils, quand elle composa cette hymne en l’hon- neur du Seigneur, bien que l’Écriture rapporte qu’elle n’avait encore eu que Samuel.

Les récits de l’Écriture, en effet, ne sont pas toujours conformes à l’ordre historique. Les choses parfois sont présentées hors de leur place. D’ailleurs Anne peut dire cela par esprit de prophétie, alors qu’elle n’avait encore que