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LETTRES D’ABÉLARD ET D*HÉLOlSE.

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l’Ecclésiaste dit : a malheur à toi, terre dont le roi est un enfant ; » et nous sommes tous du sentiment du saint homme Job : « dans les an- ciens est la sagesse» la prudence est le fruit du temps. » D’où il est écrit dans les Proverbes : a la vieillesse est une couronne d’honneur qui se trouve dans les voies de la justice ; » et dans l’Ecclésiaste : « que la justice est belle, entre les mains de la vieillesse ! qu’il est beau pour la jeunesse de prendre conseil des vieillards ! que la sagesse sied bien aux personnes avan- cées en âge ; l’intelligence et le conseil, à celles qui sont élevées en gloire ! Une grande expérience est la couronne des vieillards, et leur gloire, c’est la crainte de Dieu. » Et encore : « parlez, vous qui êtes plus âgé ; quant à vous, jeune homme, c’est votre rôle, même dans votre propre cause, de ne vous décider à parler que lorsqu’il y a nécessité de le faire. Vous interroge-t-on deux fois ? que votre réponse soit brève ; paraissez ignorant en beaucoup de choses ; écoutez en silence et instruisez-vous. Au milieu des grands, n’ayez point de présomption, et là où sont des vieillards, ne parlez pas beaucoup. » De là vient que les prêtres qui, dans l’Église commandent au peuple, sont appelés vieillards, afin que leur nom même indique ce qu’ils doivent être. Et ceux qui ont écrit les Vies des Saints appelaient vieillards ceux que nous appelons aujourd’hui abbés.

11 faut donc, dans l’élection et la consécration d’une diaconesse, prendre toutes ses mesures pour suivre le conseil de l’Apôtre, et la choisir dans des conditions telles, que, par sa vie et ses lumières, elle puisse commander aux autres ; que son âge garantisse la maturité de ses mœurs ; qu’elle se soit rendue, par son obéissance, digne de commander ; qu’elle ait appris la règle par la pratique plutôt que dans les livres, et qu’elle la connaisse à fond. Si elle n’est pas lettrée, qu’elle sache bien qu’elle n’a point à prési- der des discussions philosophiques et des entretiens dialectiques, mais qu’elle doit simplement se conformer à la pratique de la règle et donner l’exemple des œuvres, ainsi qu’il est écrit au sujet du Seigneur, c qui commença à faire et à enseigner ; » à faire d’abord, et ensuite à enseigner, parce que la science de l’œuvre est meilleure et plus parfaite que celle du discours, celle des faits meilleure que celle des paroles. C’est un point qu’il faut bien observer ; l’abbé Ipitius le recommande. « Le vrai sage, dit-il, est celui qui enseigne par ses actes, non par ses paroles. » Et sur ce point, il donne force et confiance.

Remarquons aussi le raisonnement par lequel saint Augustin confondit les philosophes qui se riaient, sans doute, des leçons d’un ignorant et d’un homme illettré. « Répondez-moi, leur disait-il : lequel vaut le mieux, du bon sens ou de l’instruction ? Est-ce le bon sens qui procède de l’instruc- tion, ou l’instruction qui procède du bon sens ? Kt ceux-ci reconnaissant que le bon sens est le père et le créateur de l’instruction : « celui dont le sens est sain, dit-il, n’a donc pas besoin de chercher l’instruction. » Écou- tons encore l’Apôtre, et que ses paroles nous fortifient dans le Seigneur :