Page:Abelard Heloise Cousin - Lettres II.djvu/294

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

QUESTIONS D’HÉLOÏSE ET RÉPONSES D’ABÉLARD. 531

aurait pu s’accomplir en effet, sans qu’il y eût une faute dont les époux eussent à rougir. La faute a commencé après le péché, et c’est ce que dans un sentiment de honte, les premiers époux ont dû cacher. D’où est demeurée dans la suite, même chez ceux qui usent bien et convenablement de ce mal, l’habitude d’éviter les regards dans l’accomplissement de l’œuvre charnelle et de marquer ainsi comme honteuse une chose dont nul ne devrait avoir honte, puisqu’elle est bonne. Ainsi s’expliquent à la fois, le bien d’une union louable, source de la génération, et le mal d’une passion honteuse, telle que ceux qui en sont engendrés ont besoin d’être régénérés pour n’être pas condamnés. Au surplus, celui qui se livre au commerce légitime de la chair avec pudeur, celui-là use bien d’un mal ; celui qui s’y livre contre les règles et les convenances use mal d’un bien. Et le nom de mal est plus juste que celui de bien, parce que c’est un sujet de honte pour ceuxqui en usent bien, comme pour ceux qui en usent mal. Nous avons plus de confiance en celui qui dit : « Je sais que c’est un bien qui n’habite pas en moi, » c’est-à-dire en ma chair, qu’en celui qui dit que c’est un bien, et qui est forcé de convenir que c’est un mal, ou qui, s’il n’en convient pas, aggrave, par l’impudeur, le mal d’un mal plus fort. C’est donc avec raison que nous avons dit que le bien du mariage ne peut être condamné pour le mal originel qui en sort, pas plus que le mal de l’adultère ne peut être excusé pour le bien naturel qui eu soi t, puisque la créature humaine qui naît du mariage ou de l’adultère est l’œuvre de Dieu ; puisque, si c’était un mal, elle ne pourrait être engendrée, et que si elle ne contenait pas quelque mal, elle n’aurait pas besoin d’être régénérée. »

FIN DES QUESTIONS ET DES REPONSES.