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APPENDICE.

jours de son existence. Comme il était, plus que de coutume, tourmenté par la psore et par d’autres incommodités, je l’envoyai à Châlon prendre quelque repos. J’avais songé à lui assurer une retraite dans cette ville, sur les bords de la Saône, à cause de la salubrité du climat qui en fait presque la plus belle partie de notre Bourgogne. Là revenant à ses anciennes études, autant que sa santé pouvait le permettre, il était toujours penché sur ses livres ; et, semblable à Grégoire le Grand, il ne pouvait laisser passer un instant sans prier, lire, écrire ou dicter.

C’est dans l’exercice de ces divines occupations que le trouva le Visiteur annoncé par l’Évangile ; il le trouva non pas endormi, comme bien d’autres, mais en éveil. Oui, il le trouva véritablement en éveil et se préparant aux noces de l’éternité, non pas comme une vierge folle, mais comme une vierge sage ; car il apportait avec lui sa lampe pleine d’huile, c’est-a-dire une conscience remplie du témoignage d’une sainte vie. Lorsqu’il fallut payer la dette commune de l’humanité, le mal qui le saisit empira promptement et le réduisit bientôt à l’extrémité. Dans quelles dispositions pieuses, saintes, catholiques, il confessa d’abord la foi au sein de laquelle il mourait, puis ses péchés ! avec quel élan de cœur il reçut le viatique du suprême voyage, le gage de la vie éternelle, c’est-à-dire le corps du divin Rédempteur ! avec quelle ferveur il lui recommanda son âme et son corps en ce monde et dans l’éternité ! tous les frères en furent témoins, ainsi que la communauté entière du couvent où repose le corps de saint Marcel, martyr.

Telle fut la fin de la vie de maître Pierre. Celui qui était connu et célèbre dans le monde entier par, l’éclat incomparable de son enseignement rentra à l’école de celui qui a dit : i Apprenez de moi que je suis humble et doux de cœur ; » et persévérant dans la douceur et l’humilité, c’est ainsi qu’il alla, nous devons le croire, rejoindre son divin Maître.

Donc, vénérable et très-chère sœur eu Notre-Seigneur, celui auquel vous avez été unie par le lien de la chair, ensuite par le lien plus solide et plus fort de l’amour divin ; celui avec, lequel et sous lequel vous vous êtes consacrée au service de Dieu ; celui-là, dis-je, Dieu le réchauffe aujourd’hui dans son sein à votre place, ou plutôt comme Un autre vous-même ; et au jour de la venue du Seigneur, à la voix de l’archange, au son de la trompette annonçant le souverain Juge descendant des cieux, il vous le rendra par sa grâce, il vous le réserve.

Souvenez-vous de lui en Notre-Seigneur ; oui, souvenez-vous de lui, s’il plaît à votre cœur, et recommandez avec sollicitude aux prières des saintes sœurs qui servent avec vous le Seigneur, les frères de notre congrégation et les sœurs qui, par toute la terre, servent, selon leur pouvoir, le même Dieu que vous. Adieu.