Page:Abelard Heloise Cousin - Lettres II.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LETTRES D’ABÉLARD ET DHÉLOlSE.

281

leur abbé ou celui qui le suppléera ne sera pas libre de pailer aux vierges du Seigneur en l’absence de leur supérieure ; il ne s’entretiendra jamais seul à seule avec celle-ci, mais toujours en présence de deux ou trois sœurs : visite rare, discours bref. A Dieu ne plaise, en effet, que nous tolérions la moindre familiarité entre les moines et les vierges ! Conformément aux rites de la Règle et des Canons, nous les séparons d’elles, nous les tenons à l’écart, et nous ne leur déléguons que les soins de l’administration ; nous voulons seulement qu’un moine éprouvé soit chargé de gérer leurs biens de la ville ou des champs, surveille les constructions et pourvoie à tous les autres besoins du monastère, en sorte que les servantes du Christ, n’ayant à songer qu’au salut de leur âme, appartiennent tout entières au culte divin, et se consacrent exclusivement à leurs œuvres. — 11 importe que le moine qui sera proposé par son abbé ait l’approbation de son évéque. En retour, les religieuses feront les habits des moines dont elles attendent protection, et à qui elles devront, comme je l’ai dit, les fruits de leurs travaux en même temps qu’une utile assistance. »

Suivant donc cette sage disposition, nous voulons que les monastères de femmes soient toujours soumis à des monastères d’hommes, en sorte que les frères prennent soin des sœurs, qu’un seul abbé préside, comme un père, aux besoins des deux établissements, et qu’il n’y ait, dans le Seigneur, qu’une seule bergerie et un seul pasteur. Cette fraternité spirituelle sera d’autant plus agréable à Dieu et aux hommes qu’elle pourra, parfaite en elle- même, offrir un asile aux conversions des deux sexes, c’esl-à-dire que les religieux recevront les hommes les religieuses les femmes, et que la com- munauté pourvoira ainsi au sort de toute âme songeant à son salut. Qui- conque voudra se convertir avec sa mère, sîKsœur, sa fille ou quelque autre dont elle a le besoin, trouvera là pleine consolation ; car les deux monastères seront unis entre eux par une charité d’autant plus grande, et d’autant plus disposés à s’assister l’un l’autre, que les personnes qui les composeront auront déjà entre elles des liens de patenté.

Mais si nous voulons que le supérieur des moines qu’on nomme abbé ait le gouvernement des religieuses, c’est eu telle sorte qu’il reconnaisse pour ses supérieures les épouses de Jésus-Christ dont il est le .’ervileur, et qu’il mette sa joie non à leur commander, mais à les servir. 11 doit être ce qu’est dans une maison roy.de l’intendant, qui ne fait pas sentir son pouvoir à sa maîtresse, et ne se pique que de jouer à son égard le rôle de providence. Il doit lui obéir sans tarder dans les choses justes ; n’entendre pas re qu’elle demande de nuisible ; régler les affaires du dehors, et ne pénétrer, que si on l’y invile, dans celles du gynécée. C’est de cette façon que nous voulons que le serviteur du Christ veille aux besoins des épouses du Christ : qu’il s’acquitte fidèlement du soin qu’il en doit prendre, traite de chaque chose avec la diaconesse, ne décide rien au sujet des servantes du Christ et de tout ce qui les concerne qu’après avoir pris son avis ; ne leur transmette ses ins-