Page:Abelard Heloise Cousin - Lettres II.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LETTRES D’ABÉURD ET D’HÉLOlSK. S97

est écrit dans l’Apocalypse : « Le juste devient plus juste, et celui qui s’est souillé s’enfonce davantage dans la souillure. »

11 faut donc que la règle de la correction soit tendue de telle sorte, que si quelque religieuse a reconnu la faute d’une autre et l’a dissimulée, elle soit punie plus rigoureusement que la coupable. Nulle ne doit différer d’ac- cuser son péché ou le péché d’à ut mi. Celle qui préviendra l’accusation des autres en s’accusant elle-même, ainsi qu’il est écrit : « Le juste est le pre- mier à s’accuser, » encourra une peine plus douce, pourvu qu’elle ne re- tombe pas dans la même faute. Nulle ne doit prendre sur soi d’en excuser une autre, à moins que la diaconesse ne lui demande de lui faire connaître une chose que les autres ne sauraient pas. Nulle ne doit s’arroger le droit de faire la leçon aux autres, si ce n’est de la part de la diaconesse, car il est écrit, au sujet du règlement de la correction : « Mon ûls, ne rejetez point la correction du Seigneur, et ne vous abattez point lorsqu’il vous châtiera. Dieu châtie celui qu’il aime, et il se complaît en celui qu’il châtie comme un père en son fils. » Et encore : « Celui qui ménage la verge liait son fils ; celui qui l’aime, le corrige sans cesse. » En voyant le corrompu châtié, l’insensé deviendra plus sage. Le fouet est fait pour le cheval, la corde pour l’âne, et la verge pour les hommes qui se conduisent mal. Celui qui en châtie un autre trouvera dans la suite auprès de lui plus de reconnaissance que celui qui le trompe par les caresses de ses éloges. Toute correction, sur le mo- ment, semble pleine, non de joie, mais d’amertume ; mais un jour elle rap- portera à ceux qui en auront subi l’épreuve les fruits les plus doux de la vertu. La confusion d’un père est dans un enfant qui n’a pas été corrigé, et sa honte dans la mauvaise conduite de sa fille. Celui qui aime son fils le cor- rige sans cesse, afin d’être heureux dans sa vieillesse. Celui qui instruit son fils sera loué dans son fils, et glorifié en lui au milieu de toute sa mai- son. Un cheval qu’on ne dompte pas devient intraitable ; un fils auquel on a lâché les rênes devient insolent. Flattez votre fils, et il vous fera trembler ; jouez avec lui, et il vous contristera. »

Dans les délibérations du Conseil, chaque religieuse aura le droit de donner son avis ; mais tout ce que la diaconesse aura décidé sera tenu pour immuable ; c’est de sa volonté que tout dépend, dut-elle même, ce dont Dieu la préserve, se tromper et s’arrêter au mauvais parti. C’est ce qui a fait dire à saint Augustin dans son livre des Confessions : « Celui-là com- met un grand péché qui désobéit en quelque chose à ses supérieurs, alors même qu’il ferait mieux que ce qui lui est ordonné. » Mieux vaut, en effet, bien faire que faire le bien. Il faut moins se préoccuper de la chose en elle- même, que de la façon dont elle est faite et de l’esprit dans lequel on la fait. Tout ce qui est fait par obéissance est bien fait, encore que cela ne pa- raisse pas un bien. En tous points, il faut obéir aux supérieurs, quels que soient les inconvénients des choses, dès le moment qu’il n’y a point péril pour l’âme. C’est au supérieur de bien ordonner, puisqu’il suffit aux reli-