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LETTRES D’ABÉLARD ET D’HÉLOÏSE.

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Prévenant cette chute et les vœux d’un engagement irréfléchi, l’Ecclésiaste dit : « Si vous avez fait un vœu à Dieu, ne différez pas de vous en acquitter : tout engagement irréfléchi, et que Ton ne tient pas, lui déplaît ; quels que soient les vœux que vous avez faits, accomplissez-les : mieux vaut de beau- coup ne point faire de vœux, que de ne point tenir ceux qu’on a faits. » C’est aussi à ce péril que l’Apôtre veut remédier, quand il dit : « Je veux que les jeunes veuves se marient, qu’elles aient des enfants, qu’elles tiennent une maison, et qu’ainsi elles ne donnent à l’ennemi aucune occasion de [lé- cher ; car il en est qui sont retournées à Satan. » Considérant la faiblesse de l’âge, au danger d’une vie meilleure il oppose le remède d’une vie plus libre. Il conseille de se tenir en bas, de peur d’être précipité d’en haut.

C’est également le sentiment de saint Jérôme, dans les instructions qu’il donue à Eustochie. « Si celles, lui dit-il, qui sont restées vierges sont néanmoins condamnées pour d’autres péchés, qn’adviendra-t-il de celles qui auront prostitué les membres de Jésus-Christ, et qui auront changé en lieu de débauche le temple de 1 Esprit-Saint ? Mieux eût valu, pour l’homme, subir le mariage et suivre le chemin de la plaine, que de vouloir s’élever et d’être précipité dans les ublmes de l’enfer. »

Repassons en esprit tous les préceptes de l’Apôtre, nous verrons que c’est aux femmes seulement qu’il permet un second mariage ; pour les hommes, il les engage à 2a continence. « Si un homme est appelé circoncis, dit-il, qu’il ne se fasse pas gloire de montrer son prépuce. » Et ailleurs : « Êtes- vous veuf ? ne cherchez pas femme. » Moïse, au contraire, plus doux aux hommes qu’aux femmes, accorde à l’homme plusieurs femmes, tandis qu’il refuse à la femme plusieurs maris, et punit plus sévèrement l’adultère chez les femmes que chez les hommes. « La femme, dit l’Apôtre, à la mort dft son mari, est affranchie du lien qui l’attachait à lui ; elle n’est point adul- tère, en s’unissant à un autre homme. » Et ailleurs : « Je dis aux veuves et aux vierges qu’il est bon, pour elles, de rester dans cet état, ainsi que j’y reste moi-même. Mais, si elles ne peuvent garder la continence, qu’elles se marient : mieux vaut se marier que d’être brûlé des ardeurs du désir. » Et ailleurs : « La femme dont le mari est endormi du sommeil éternel est af- franchie ; elle peut épouser qui elle voudra, pourvu que ce soit au nom du Seigneur : mais elle sera plus heureuse, si, suivant mon conseil, elle reste veuve, i Ce n’est pas seulement un second mariage qu’il accorde aux femmes ; il ne leur assigne pas de limites : dès que celui qu’elles ont épousé est endormi du sommeil éternel, il les autorise à en épouser un autre. 11 ne fixe pas le nombre de leurs mariages, pourvu qu’elles évitent la fornication. Qu’elles se maiient plusieurs fois, plutôt que de forniquer une seule fois, de peur qu’après s’être livrées à un, elles ne payent à beaucoup d’autres la dette. Le payement de cette dette, même dans le mariage, n’est jamais com- plètement pur de péché ; mais on tolère les moindres péchés, pour éviter les plus grands.