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MATRIARCAT ET PATRIARCAT


Dans un curieux ouvrage, peu connu hors du petit monde des sociologues, le savant allemand Bachofen soutient cette thèse bien faite pour réjouir nos féministes : c’est à une époque relativement récente (deux, trois ou quatre mille ans au plus, selon les pays et les races) que l’homme a passé au cou de sa compagne les chaînes d’or, de roses ou de fer. Esclave chez les civilisés, la femme est, chez les primitifs, souveraine. Si, en effet, l’assujettissement de la femme ressort de toute l’histoire, comme la loi universelle, la préhistoire, avec tout autant de force persuasive, montre que d’abord la nature voulut la suprématie du sexe prétendu faible sur le sexe prétendu fort. La mère gouverne la famille groupée autour d’elle, et dont elle est le seul lien. Elle règne dans l’État qui n’est autre chose qu’une grande famille. La voix des femmes, seule, s’élève dans les conseils de la tribu. L’enfant porte le nom de la mère ; par les femmes se transmet l’héritage, et l’homme, étranger dans la famille, ne tient qu’une place inférieure dans la société. Dans ces groupements primitifs, organisés à l’image de la ruche d’abeilles, où, en dehors de certaines époques, le mâle est l’intrus, pas de place pour la domination politique ou pour l’ascendant moral du sexe fort. Le droit du père n’a