Page:Abensour - Histoire générale du féminisme, 1921.djvu/174

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Julie dirige ses servantes, tient en ordre parfait sa maison et borne là son activité. Que la femme vise à une autre destinée que celle d’épouse et de mère, elle se nuira à elle-même et son influence délétère empoisonnera toute la société.

Rousseau déjà a pensé la formule proudhonienne : émanciper les femmes, c’est les corrompre. Des femmes émancipées, Rousseau en aperçoit dans ces civilisations qui ont gâté la nature : elles ont inventé l’amour, cette passion néfaste « ignorée des sauvages, à seule fin de rendre dominant le sexe qui devrait obéir ». Par l’amour, roi et dieu des civilisés, elles gouvernent, mieux, elles tyrannisent la société, elles lui imposent leurs petites idées, leurs petites passions, leurs sentiments mesquins et plient à leurs ridicules caprices non seulement la mode et les mœurs, mais l’art, mais la pensée. Tout écrivain a pour idéal premier d’être loué par le monde où le goût féminin fait la loi. Pour se mettre à la portée des faibles intelligences féminines, le génie même replie ses ailes, quitte les sphères éthérées et rampe humblement aux pieds des belles, sur le tapis des boudoirs.

La femme qui s’occupe de lettres, de politique, celle qui seulement tient un salon ou fait des hommes son habituelle société, est la fleur vénéneuse qui pousse sur le fumier des civilisations. Le retour à la nature, c’est pour la femme la rentrée au gynécée, dont on eut tort d’ouvrir les portes : dans une maison bien réglée, les hommes vivent d’un côté, les femmes de l’autre. Il en serait de même dans une société bien ordonnée. Le monde où se mêlent les sexes, où règne la femme, voilà l’ennemi.