Page:Abensour - Histoire générale du féminisme, 1921.djvu/177

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l’homme lui jurait obéissance. Froid observateur, Montesquieu n’en marque nul étonnement. Usbek et Rica n’ont-ils pas constaté déjà qu’à Paris la femme domine, qu’elle mène la cour et la ville, les ministres et le roi, et que nul sans elle ne peut arriver en place ou s’y_maintenir ? formons-nous une opinion, non d’après les idées préconçues, mais d’après des résultats, pense Montesquieu. Nous ne serons nullement scandalisés de voir les femmes s’immiscer dans les affaires du gouvernement.

De toute la vaste enquête menée par Montesquieu dans l’Esprit des Lois ressort, pour ce qui est des femmes, cette conclusion paradoxale : « Il est contre la raison et contre la nature que les femmes soient maîtresses de la maison…, il ne l’est pas qu’elles gouvernent un empire. Dans le premier cas, l’état de faiblesse où elles sont ne leur permet pas la prééminence. Dans le second, leur faiblesse même leur donne plus de douceur et de modération, ce qui peut faire un bon gouvernement, plutôt que les vertus dures et féroces. »

Ainsi Montesquieu ne serait pas éloigné de maintenir les femmes dans l’obédience maritale tout en leur accordant des droits politiques. Car on peut supposer que son raisonnement s’appliquerait aussi bien au gouvernement d’un ministre féminin ou d’une assemblée féminine qu’à celui d’une reine ou d’une régente. N’ajoute-t-il pas en effet que les femmes « réussissent également bien dans le gouvernement modéré et dans le gouvernement despotique » ?