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nité est un fait, la paternité n’est qu’une croyance. Il en est si bien ainsi que certaines peuplades admettent à peine que l’homme ait plus qu’un rôle accessoire dans la création de ses descendants. La femme et les puissances de l’au-delà disciplinées par les rites magiques, voilà les seuls éléments dont la nature a besoin pour perpétuer la race.

Longtemps après que la famille paternelle s’est constituée, le père éprouve le besoin de manifester par quelque signe extérieur que l’enfant de sa femme est bien aussi son enfant : de là la bizarre coutume de la couvade qu’observèrent chez les Indiens de la Guyane, au Thibet, en Indo-Chine, en Australasie, maints voyageurs et dont, à une époque relativement récente, des survivances s’apercevaient chez les Basques. Le père prétend ainsi légitimer cette puissance familiale qu’il a arrachée à la mère. La couvade est un hommage du patriarcat vainqueur au plus antique matriarcat.

D’autres survivances, et non moins curieuses, du règne de la femme — ou pour employer le jargon sociologique, de la gynécocratie — apparaissent chez les modernes peuplades sauvages ou dans les traditions des peuples oubliés.

Si le patriarche d’Israël, le cheik musulman, épousent plusieurs femmes, la matrone thibétaine, elle, continue d’avoir son harem masculin. En général, elle épouse à la fois tous les fils d’une même famille. Quatre ou cinq époux se partagent, sans jalousie, l’unique épouse. Et celle-ci, femme forte dans toute l’acception du terme, dirige ses maris au mieux de l’intérêt commun.

Elle répartit entre eux les travaux de la hutte ou