Page:Abensour - Histoire générale du féminisme, 1921.djvu/305

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vres contre la misère et ses tentations et, par la création d’écoles professionnelles, d’orienter leur activité vers des professions avantageuses. Nulle visée politique encore chez les éducatrices du peuple. Le féminisme s’est à peine dégagé de la bienfaisance.

De l’Orient surgissent, blancs fantômes à l’énigmatique regard, la foule des « désenchantées ». Celles-ci, même à l’ère des suffragettes, n’en sont pas encore à combattre pour leur émancipation politique ; mais elles visent à briser les portes du harem, trop souvent pour elles, portes d’enfer, à soulever ce voile qui, fût-il une gaze légère, les étouffe, à arracher quelques concessions à l’effroyable absolutisme marital. Au milieu du dix-neuvième siècle déjà des voix s’élèvent : « Les femmes turques, note l’impératrice Eugénie de passage à Constantinople en 1869, semblent disposées à jeter leur yachmack par-dessus les moulins. » Et des écrivains français remarquent qu’en effet l’arrivée à Stamboul de l’impératrice des Francs, les honneurs souverains qu’on lui vit rendre par le padischah donnèrent aux femmes le sentiment de la dignité de leur sexe… Et voilà la première étincelle.

Vingt ans auparavant, dans les montagnes sauvages du Mazendéran, un jeune et beau prophète, le Bâb, porte du ciel, a prêché à ses fidèles la libération des femmes ; il a condamné le voile et la réclusion des harems, prescrit aux hommes de faire, dans leurs festins et leurs cérémonies, une place à leurs compagnes. Il leur ouvre toute grande la vie mon-