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femmes du peuple, soit ces grandes dames rompues aux discussions du stoïcisme qui ont affermi leur cœur, élevé leur esprit. Dans les palais illustrés par les fastes consulaires, les descendantes des Claude et des Scipion laissent célébrer les cérémonies de la primitive Église et, avec le même courage, la femme du sénateur et l’humble esclave confessent leur foi.

Les défenseurs du paganisme s’accordent avec la légende dorée pour montrer la diffusion du christianisme, due pour la plus large part aux efforts féminins. N’est-ce pas en effet la femme qui, dans chaque famille, répand la bonne parole ? N’est-ce pas l’épouse qui convertit l’époux, la mère qui élève son fils dans l’amour et la crainte du dieu nouveau ? L’on peut douter que sans la puissance souveraine mise par les femmes au service de la nouvelle foi, l’Évangile du Nazaréen eût si facilement triomphé. Impériale, sénatoriale, équestre ou servile, chaque famille est transformée par l’esprit féminin. Et les pièces de la vieille armature romaine, transmuées à ce souffle en un nouveau métal, se rassemblent suivant un autre ordre pour rebâtir une nouvelle société.

Aussi, tout comme aux philosophes stoïciens, il arrive aux Pères de l’Église d’écrire pour des femmes. À celles qui, abandonnant les vêtements de fine soie, les chaussures dorées, les moelleuses litières pour, revêtues du sombre habit monastique, briser leurs membres à courir dans les ruelles sordides de Rome, à la recherche de toutes les misères ; à cette Marcella, première des nonnes et première des abbesses, à cette Fabiola, première fondatrice d’hôpitaux et d’hospices, à cette Paula, à cette Mar-