Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/134

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politique nettement favorable à l’Angleterre[1], la princesse de Talmond, maîtresse de Charles Edouard d’Angleterre et qui, lors de son arrêt d’expulsion, eut seule assez d’influence sur lui pour l’empêcher de résister par la force aux ordres royaux.

Lorsque le duc de Choiseul est arrivé au pouvoir, c’est dans les femmes qu’il trouve pour sa politique les concours les plus puissants : non seulement la marquise de Pompadour, qui l’a fait arriver aux affaires, mais sa femme, la duchesse de Choiseul, la marquise de Romanet, sa belle-mère ; sa sœur, la duchesse de Grammont. Celle-ci surtout, à laquelle il vouait une affection très vive, fut pour lui une auxiliaire intelligente et d’une inlassable activité. Séduisante, spirituelle, possédant un talent rare pour exposer les affaires et les présenter sous le jour le plus favorable, elle fait de sa chambre pendant de longues années (trente années, dit avec quelque exagération Sénac de Milhan), le centre où tout aboutissait et personne à Paris n’était plus instruit de ce qui se passait de plus secret à la Cour. Presque à l’égal de Mme de Pompadour, pour qui elle fut vraiment une puissante rivale, elle dispose des places, des grâces, de la faveur du roi. Mais, chose exceptionnelle à l’époque, elle en use avec une scrupuleuse et jalouse intégrité. Le seul bruit qu’elle a pu participer avec intérêt à une affaire, la détermine à prendre nettement position contre les intéressés. C’est ainsi que, faussement soupçonnée d’avoir eu des diamants de Lally Tollendal, elle pousse à l’arrestation de celui-ci son frère jusqu’alors hésitant et, pour son grand remords, contribue à l’exécution du comte de Lally[2]. « La finesse de son esprit, sa loyauté, sa modestie lui conquirent bien des cœurs, elle fit beaucoup pour créer à son frère un puissant parti, soutenir ses réformes et lui ramener ceux que sa mobilité excessive ou la causticité de son esprit aurait pu lui aliéner[3]. »

De fait, le parti de Choiseul à la Cour fut surtout un parti féminin. Séduisant, spirituel, magnifique, le duc de Choiseul attira à lui les femmes, il devint leur idole et celles-ci firent beaucoup pour répandre à la Cour, à la ville et dans le pays entier sa réputation de grand homme d’État. Le salon de Mme de Choiseul à Paris et à Chanteloup, celui de Mme de Grammont et de Mme de Romanet à Paris, ceux des comtesses d’Egmont et de Brionne, sans compter bien

  1. À plusieurs reprises elle parla en fort mauvais termes de la Cour d’Espagne. Elle fut soupçonnée de recevoir une pension du gouvernement anglais (D’Argenson. Mémoires).
  2. Sénac de Meilhan. Portraits et caractères.
  3. Ibid.