Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/154

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Ces négociations aboutirent au traité de Versailles qui consacra le renversement des alliances et instaura le système de l’alliance autrichienne. Mais n’est-ce pas la volte-face subite de Frédéric II plus que l’action personnelle de la favorite qui fut la cause déterminante de ce grand événement ? Et peut-on soutenir, d’autre part, qu’elle fut seulement et presque uniquement poussée par sa haine personnelle contre Frédéric II, lorsqu’au cours même de la guerre on la voit rendre hommage au génie militaire et à l’énergie du roi de Prusse[1] ?

Dans la crise du renversement des alliances, force nous est bien de conclure que Mme  de Pompadour n’a joué qu’un rôle épisodique. Elle s’est trouvée là au moment où la nécessité pour la France est apparue de faire volte-face et elle a dirigé avec intelligence les négociations. Cependant, du moment où sous ses auspices se conclut l’alliance avec l’Autriche, elle pratique résolument une politique autrichienne, car son influence lui paraît liée au triomphe de cette politique et, de même qu’avant 1757 son influence se fortifiait de celle de Machault, de même au cours des premières années de la guerre de Sept Ans elle se fortifie de celle de Choiseul. Jamais, dit Mme  du Hausset, Madame[2] n’eut autant de crédit que lorsque Choiseul fut rentré dans le ministère[3]. D’ailleurs Choiseul n’avait-il pas été appelé au ministère expressément pour soutenir les vues de Mme  de Pompadour qui, après les premières défaites, n’étaient plus partagées par le cardinal de Bernis, premier promoteur de l’alliance autrichienne ? Celui-ci eut désiré s’en tenir strictement aux obligations du premier traité de Versailles, qui n’engageait pas à fond la France, et même cesser la guerre.

Mme  de Pompadour, circonvenue par l’habile diplomatie de Marie-Thérèse, voulut, elle, continuer la guerre, mettre toutes les forces de la France au service de l’Autriche, et Bernis, refusant d’être l’instrument de cette politique qu’il jugeait avec raison contraire aux intérêts de la France, fut sacrifié et remplacé par Choiseul[4]. Si Mme  de Pompadour n’a pas été, comme le veut la tradition, responsable du renversement des alliances, du moins est-il bien exact qu’elle ait été, par la suite, déterminée à soutenir coûte

  1. « S’il se tire d’affaire contre tous les ennemis qu’il a, ce sera un grand homme », dit-elle un jour à Mme  du Hausset.
  2. Mme  du Hausset du Hausset appelle toujours ainsi sa maîtresse.
  3. Mme  du Hausset. Loc. cit.
  4. Note de Loménie de Brienne sur le cardinal de Bernis (placée à la suite des mémoires de Mme  du Hausset).