Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/222

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de tenir effectivement la boutique et de donner leur nom à la raison sociale, elles peuvent se livrer à tout acte concernant leur commerce, y compris la réception d’apprentis.

Si elles se remarient et n’épousent pas un homme appartenant au même métier, l’exercice de la profession leur est interdit et elles doivent se défaire de la maîtrise « au profit d’un personnage plus qualifié ».

Mais, d’autre part, on s’efforce de faciliter aux veuves l’accès de la maîtrise en les exemptant d’une partie des obligations auxquelles les candidats à la maîtrise doivent d’habitude satisfaire ; elles sont dispensées du chef-d’œuvre et ne paient qu’une partie des droits exigés.

Les filles de maîtres se trouvent à peu près dans les mêmes conditions que les veuves. Cependant, elles sont plutôt considérées comme susceptibles de transmettre à leur mari, ainsi qu’une dame noble ferait d’un fief, l’exercice de la maîtrise, que de l’exercer elles-mêmes. Seul, le règlement des imagiers peintres et sculpteurs de la communauté de Saint-Luc spécifie nettement que les filles de maîtres pourront arriver pour leur compte à la maîtrise et exercer le métier paternel[1].

Dans presque toutes les communautés et corporations de métiers, la fille de maître permet seulement au compagnon qu’elle épouse de parvenir à la maîtrise.

Les filles de maîtres boulangers d’Orléans, les filles de maîtres tailleurs d’Angoulême affranchissent ainsi leur mari et font de lui un maître sans autre formalité[2].

Ailleurs, le fait d’épouser une fille de maître ne dispense pas des obligations coutumières, mais les allège simplement ; on se montre moins exigeant pour le chef-d’œuvre[3] ; pourtant on réduit les sommes payées d’ordinaire pour le droit de maîtrise. C’est le cas dans la plupart des corporations de Paris.

Il existait d’ailleurs des corporations où les femmes pouvaient, sans être veuves de maîtres, arriver cependant à la maîtrise. Telles étaient les corporations de drapiers de Dijon[4] et de Caen, celle

  1. De Lespinasse. Loc. cit.
  2. État des corporations de la ville d’Orléans. Arch. Départ., Loiret, B. 2029, suppl. — État des corporations de la ville d’Angoulême. Arch. Départ., Charente, E. 2058.
  3. Les maris des filles des maîtres charrons ne feront qu’un demi-chef-d’œuvre. Règlement de la communauté des charrons d’Orléans. Arch. Départ., Loiret. Ibid.
  4. Une femme, Jeanne Ducharger, veuve d’un dentiste, est qualifiée drapière. Arch. Départ., Côte-d’Or, G. 127.