Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/234

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naise, en particulier, se plaignent de l’état d’ignorance où se trouvent leurs ouvrières[1].

v. Une catégorie d’ouvrières : marchandes de modes et couturières. La grisette

Avant et après la crise qui bouleverse le régime corporatif, c’est une industrie surtout, celle de la mode avec les innombrables petites industries qui s’y rattachent, qui donne aux femmes la plus large place.

Ici, loin de jouer un rôle subalterne, la femme joue un rôle prépondérant. C’est, en effet, au xviiie siècle comme à toute époque, les qualités de bon goût, innées chez la femme française, qui triomphent alors pour assurer aux ouvrières de la mode le libre exercice d’un métier où, à Paris et dans les grandes villes du moins[2], les hommes ont renoncé à leur faire concurrence, et, au pays, le bénéfice de leur art.

À la fin du xviiie siècle, en effet, le développement considérable du luxe, sa diffusion dans toutes les classes sociales ont donné aux industries féminines de la mode une importance qu’elles n’avaient pas connue jusqu’à ce jour. À Paris et dans les principales villes, les marchandes de modes foisonnent. Elles dirigent un personnel très nombreux : les plus importantes maisons emploient en effet une trentaine d’ouvrières. C’est donc par milliers que se comptent les ouvrières de la mode et de la couture et elles semblent, dès ce moment comme aujourd’hui, former au milieu du prolétariat ouvrier une sorte d’aristocratie, ennoblie par son bon goût, affinée par le luxe qu’elle créé et la fréquentation journalière des grandes dames, parée d’un charme de séduction et de quelque prestige par la beauté qu’elle crée et la réputation qu’ont, dans toute la France et à l’étranger même, les chefs-d’œuvre sortis de ses mains. La « grisette », car on commence à l’appeler ainsi, est la midinette du xviiie siècle.

Comme celle-ci, elle tient dans le commerce de luxe de la capitale une place prépondérante. Suivons Mercier dans sa promenade à travers les rues de Paris et nous verrons dans les principales artères de la capitale leur minois souriant, leur petit bonnet de

  1. L’établissement de la soierie à Lyon (Revue de l’histoire de Lyon, 1914).
  2. Sinon dans les petites villes où les tailleurs continuent la lutte contre les corporations féminines.