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de métiers soient fermés aux femmes, un subdélégué de l’intendant de Picardie, M. Imbert de Saint-Paul, essaye d’organiser dans la province, et du moins pour ce qui est de la filature, une véritable instruction professionnelle féminine. Au moment où se fondent, à Roye, des filatures, l’intendant prescrit à son subdélégué de recruter dans la campagne des femmes ou filles pour la filature de Roye[1].

« Il est nécessaire, dit-il, qu’une femme ou fille au moins par village apprenne à filer, de façon à ce qu’ensuite elle puisse montrer aux autres[2]. »

Des curés sont chargés de faire, à ce sujet, une active propagande dans leur paroisse. Ils en comprennent l’intérêt et l’un d’eux, le curé de Bayonvillers, se montre particulièrement zélé. Grâce aux efforts de toutes les autorités laïques et ecclésiastiques, on recrute facilement des élèves pour l’école de filature qui, en septembre 1768, s’ouvre à Roye. Dès l’année suivante, quatre-vingt-douze femmes y reçoivent l’instruction professionnelle ; elles sont encouragées par la distribution de certificats et de prix en argent aux meilleures d’entre elles. La remise de ces prix a lieu en des cérémonies solennelles auxquelles assistent les fileuses venues de tous les villages voisins[3].

Ainsi le succès de l’entreprise est grand et, grâce à la main-d’œuvre ainsi formée, les entreprises de fabrications de toile ou de mousseline se multiplient. C’est là, semble-t-il, l’essai le plus sérieux d’instruction professionnelle féminine qu’on ait tenté au xviiie siècle. Ce n’est pas la seule cependant. Les sœurs de l’Hospice de Bayeux s’efforçaient d’enseigner à leurs élèves l’art de la dentelle qui faisait vivre tant de jeunes filles en Normandie et avaient établi dans leur Hospice de Bayeux plusieurs maîtresses dentelières[4].

En 1765, un certain Bogos, qui serait Grec s’il faut en croire les documents qui nous signalent le fait, s’établit à Chazelle, dans le Forez, ouvre une filature de coton et enseigne le métier à toutes celles qui veulent l’apprendre[5].

Malgré ces essais, cependant, il est bien évident que l’instruction professionnelle des femmes employées dans la grande industrie reste en général très insuffisante. Les maîtres de la soierie lyon-

  1. Arch. Départ., Somme, C. 254-255.
  2. Ibid.
  3. Ibid.
  4. Arch. Départ., Calvados, H. 1747.
  5. Arch. Départ., Haute-Loire, introduction.