Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/36

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dal — droit coutumier, de celles où règne le droit romain — droit écrit. Une étude d’ensemble de la situation juridique de la femme dans les diverses régions de la France n’a pas encore été faite. Cette étude exigerait de très longues et minutieuses recherches et devrait comporter tout d’abord une série de monographies. Et c’est seulement lorsque ces monographies auront été écrites que nous connaîtrons avec une précision suffisamment scientifique la condition des femmes au triple point de vue juridique, familial et social…

Faute de ces monographies, cependant nous pouvons du moins essayer de tracer une esquisse de la condition de la femme à travers les différentes coutumes et dans les diverses classes de la société. Nous disposons pour cela de sources assez nombreuses et, pour la plupart, au point de vue qui nous occupe, encore peu exploitées.

Les lois et décrets relatifs aux femmes (ils sont assez nombreux depuis le xive siècle) complétés par les manuels de droit et les dictionnaires de jurisprudence qui, sur chaque point important établissent le droit le plus généralement en vigueur, confrontent les différentes coutumes, citent les arrêts des cours et parlements, nous permettent d’apercevoir dans sa complexité et sa variété la condition juridique de la femme, sa place dans la législation, de préciser quels droits elle possède, quelles restrictions la loi apporte à sa liberté. Mais l’étude des lois et de leur application ne saurait nous donner de la femme du xviiie siècle qu’une image incomplète et souvent déformée. Aurions-nous une idée juste du rôle des femmes françaises ou anglaises au xixe et au xxe siècle si l’on s’en tenait à l’étude de la législation ? Il suffit de poser la question.

Toujours la loi retarde sur les mœurs. Il en est ainsi aujourd’hui, t à bien plus forte raison au xviiie siècle où la loi civile comme le gouvernement contenait tant de vestiges, vénérables mais ruinés des époques disparues. Les mœurs donnent aux femmes bien plus que les lois ne semblent leur accorder. Pour avoir une idée vraie du rôle des femmes, il faut les voir vivre. Nous en avons, moins complètement que nous ne voudrions et avec moins de détails, la possibilité. La littérature d’abord est un reflet assez fidèle ; non pas dans les ouvrages didactiques des grands écrivains — bien qu’on y puisse glaner souvent des traits intéressants — préoccupés plutôt de critiquer la société où ils vivent que de la décrire, d’anticiper l’avenir plutôt que de définir le présent. Mais dans ces mémoires émanant de toutes les parties de la société noble ou bourgeoise, où les événements sont notés au jour le jour, où les aspects les plus simples de la vie quotidienne nous apparaissent tels qu’ils apparaissent à ceux qui les notèrent où l’on voit vivre un homme, une