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PREMIÈRE PARTIE

La Femme de France au xviiie siècle


Quelle est au xviiie siècle, et particulièrement à la veille de la Révolution française, la situation de la femme en France ? Une étude générale est difficile, la disparité, la complication de l’édifice social et administratif de l’ancien régime se retrouvant naturellement en pareille matière, la situation de la femme variant comme celle de l’homme, d’ordre à ordre, de province à province, de métier à métier. Et seule une série de monographies encore à faire où l’on étudierait la femme à la Cour et à la ville, à l’atelier et aux champs, dans l’église ou le monde permettrait de se faire une idée exacte de la contribution féminine au développement de la civilisation. Il importe d’ailleurs, pour ne pas faire fausse route et ne pas donner des faits une interprétation inexacte, de bien distinguer la condition de la femme et son rôle, la place que lui assignent les lois et celle que lui laissent prendre les mœurs, qui varient souvent en raison inverse, en tous cas ne suivent jamais une courbe analogue. Quel rapport établir en apparence, quelle commune mesure entre une Mme  de Pompadour, une Mme  du Barry, une Marie-Antoinette, reines ou plus que reines, et les humbles bourgeoises dont le pinceau de Chardin nous retrace la calme vie familiale, entre la paysanne vendéenne ou bretonne, âme médiévale courbée sous le joug des prêtres et des hobereaux, croyant le ciel et l’enfer à leur service, et la femme de la halle, hardie et frondeuse, prête déjà pour les mouvements populaires, qui hue l’archevêque et chansonne le roi ? Leur rôle social est évidemment très différent.

Entre les provinces, il faut distinguer celles où règne le droit féo-