Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/48

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Pour le droit féodal qui tient avant tout à assurer dans la famille une forte discipline, il est nécessaire d’établir sur les bases les plus solides l’autorité maritale, et l’on n’y peut parvenir que si l’on place sous l’autorité du mari, à sa disposition pleine et entière, toute la fortune de l’épouse.

Le droit canon, enfin, considère, nous l’avons vu, les deux époux comme formant en deux êtres une même chair. Le mariage est pour lui une société dont le mari sans doute est naturellement le chef, mais où les deux associés ont les mêmes droits, où les biens sont communs et où l’un et l’autre en peuvent user à leur gré pour l’avantage ou au détriment de la communauté.

Dans les pays de droit écrit (régions du Midi de la France qui correspondent aux ressorts des Parlements de Bordeaux, de Toulouse, d’Aix-en-Provence, de Grenoble), le régime dotal prédomine.

La femme apporte en dot des biens meubles ou immeubles qui, à condition que ces biens aient été spécifiés dans le contrat comme bien dotaux, jouissent de privilèges spéciaux. Ces biens sont inaliénables pour le mari. S’il dispose de leurs revenus, il ne peut ni les dépenser ni les engager dans aucune affaire commerciale et, sur ces biens, ses créanciers mêmes n’ont aucun recours.

Ces biens sont d’ailleurs inaliénables pour la femme elle-même. Ils forment en effet son patrimoine qui doit, quoi qu’il arrive, être sauvegardé et aussi bien contre sa propre faiblesse ou son imprévoyance que contre les malversations ou les spéculations malheureuses de son mari. À côté des biens dotaux prennent place les paraphernaux (littéralement bien à côté de la dot) qui jouissent d’un tout autre régime. De ces biens ainsi définis, « biens que le femme se réserve et dont elle peut disposer », la femme est, dans les pays de droit écrit, maîtresse absolue.

Elle peut les vendre, les aliéner sans l’autorisation de son mari et, pour ce qui est de ces biens et de toute opération où elle peut les engager, pour toute action judiciaire qui en dérive, faire cette opération, engager seule cette action sans l’autorisation maritale. À mesure que l’on se rapproche des pays de droit coutumier, l’influence de la législation coutumière se fait sentir même dans le droit écrit. C’est ainsi qu’à Lyon et dans le Lyonnais, pays de droit écrit mais situé dans le ressort du Parlement de Paris, la femme a bien l’administration de ses paraphernaux et la libre disposition de leurs revenus, mais elle ne peut ni les engager, ni exercer à leur sujet une action sans l’autorisation de son mari.

Dans les pays de droit coutumier, le régime qui prévaut dès l’origine est le régime de la communauté et ce régime est bientôt passé