Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/47

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et Français. Ils doivent donc se conformer aux canons de l’Église et aux lois du royaume et tenir leur mariage pour indissoluble. Toute demande de divorce venue de leur part serait irrecevable. Il n’en est pas de même des Juifs. Ceux-ci, suivant la théorie admise par les jurisconsultes forment, au milieu du royaume, une nation qui doit se gouverner par ses lois particulières. Celles-ci admettent le divorce, les Parlements du royaume doivent les faire appliquer. La jurisprudence sur ce point est à peu près constante. Toujours, les arrêts sanctionnent les divorces des Juifs[1].

iii. Pouvoir du mari sur les biens de la femme

La dépendance absolue de la femme vis-à-vis de son mari se manifeste non seulement quant à sa personne mais quant à ses biens. C’est d’ailleurs en cette matière surtout que les lois sont confuses et contradictoires et que l’on trouve des survivances de toutes les législations, de toutes les conceptions que le droit romain ou les coutumes féodales et le christianisme se tirent de l’association conjugale, des droits du mari sur les biens meubles et immeubles de sa femme, des dispositions à établir pour maintenir la subordination de l’épouse, essentielle au mariage, des précautions à prendre pour sauvegarder sa fortune contre la négligence ou les vices de son mari.

Suivant les époques ou suivant les régimes, c’est telle ou telle de ces idées qui prédomine. Et, à la fin du xviiie siècle, apparaissent nettement encore toutes ces diversités.

Pour le droit romain qui, suivant la conception juridique des premiers âges, considère la femme comme une étrangère dans la famille de son mari, il importe avant tout d’établir entre les biens de la femme et ceux du mari la distinction la plus nette.

  1. La femme juive jouit donc en quelque sorte d’un privilège par rapport à la femme catholique. Que son mari ait abjuré et elle peut valablement divorcer et se remarier. Le cas se produisit, en 1754, pour la femme de Borach Lévi, juif converti qui refusait de l’imiter et de venir avec lui à Paris. Elle eut l’autorisation de rester à Haguenau et de se remarier avec un homme de sa religion. D’autres privilèges des femmes juives sont sanctionnés par la loi du royaume. Ainsi, d’après l’ancienne coutume mosaïque, la femme veuve peut contraindre son beau-frère à l’épouser et, s’il s’y refuse, il doit s’asseoir à la porte de la ville et laisser la délaissée lui retirer son soulier et lui cracher au visage. En 1768, une juive de Bordeaux, Blanche Sylva, réclama en sa faveur l’application de cette coutume. L’intéressé, Telles d’Acosta, qui devait « ou se laisser épouser, ce qu’il ne voulait pas, ou se laisser cracher au visage, ce qu’il ne voulait pas davantage », dut cependant, de par arrêt du Parlement de Bordeaux, subir la vengeance de sa belle-sœur.