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Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/139

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vivement combattu, tant à la Cour qu’à la ville. Et ses adversaires ou successeurs éventuels, Brienne, Necker, sont l’un et l’autre soutenus avec vigueur par les cercles féminins. « À la veille de la Révolution, écrit de Ségur, tous les partis, parti Calonne, part Necker, parti Brienne, parti novateur, tous sont soutenus par des femmes[1]. Ce sont elles qui font l’opinion publique et qui, par conséquent, disposent du sort des ministres. Mais, dit encore Ségur, elles n’ont aucune grande idée, aucune passion noble…, leur influence s’exerce pour des buts mesquins. Comme le reste de la société, elles ont rapetissé et leur règne est sans éclat. »

Ainsi, de la Régence à la veille de la Révolution, les femmes de la Cour ont exercé une action politique qu’il n’est pas exagéré de considérer, d’après tous les témoignages des contemporains, comme aussi importante au moins que celle des courtisans. Mais, comme ceux-ci eux-mêmes, et plus encore, les femmes membres influents ou chefs de coterie politique et même dans certains cas leaders apparents de partis, ne furent la plupart du temps que les instruments, intelligents et actifs, certes, mais souvent inconscients, de personnalités qui, placées à la Cour, au ministère et parfois se tenant officiellement à l’écart de la politique, purent, par elles, influer sur le souverain, le ministère et la marche générale de la politique. Celles-ci, nous avons vu, — et c’est le cas de la reine, de son groupement et de toutes les dévotes — sont dirigées par le clergé ultramontain, ou — comme Mme de Belle-Isle — par les jésuites[2].

D’autres — c’est le cas de la comtesse d’Estrade, par exemple — servent aux desseins d’un ambitieux comme le marquis d’Argenson qui vise le pouvoir personnel et veut convertir le roi à une politique despotique et à un coup de force contre les parlements. Celles-là mettent leur activité au service d’un ministre qui, comme Vergennes ou Calonne, veut obtenir la prépondérance sur ses collègues et être, en fait, premier ministre.

D’autres, fort nombreuses, sont poussées en avant par les parlementaires, les philosophes ou les financiers[3]. Ainsi en fût-il des femmes qui entouraient Mme de Pompadour, de celles qui exaltèrent et contribuèrent à élever Turgot et Necker.

Les plus clairvoyants parmi les contemporains ne se font d’ail-

  1. De Ségur. Influence des femmes. En 1788 le salon de Mme de Beauharnais fut le centre de l’opposition à Loménie de Brienne. Son influence contribue à la chute du cardinal et au retour de Necker.
  2. De Besenval. Mémoires.
  3. L’action souterraine et peut-être internationale de ceux-ci semble avoir été déjà très grande. Il y aurait là un point d’histoire fort intéressant à élucider.