Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/14

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gent à l’ost seigneurial. Suzeraine, elle reçoit cet hommage, semond ses vassaux de lui envoyer leurs troupes et de venir siéger à son tribunal, contrôle les aliénations ou mutations de terre de ses hommes-liges, délivre des chartes communales. À l’intérieur de son fief, nous la voyons exercer son activité dans le domaine militaire, politique, administratif, économique. Une étude approfondie de la société française au moyen-âge, la seule lecture des documents d’archives relatifs à tel grand fief : Bourgogne, Champagne, Franche-Comté, montrerait que la femme soldat, législateur, juge, administrateur, ne fut pas, au xiie et xiiie siècles, une exception, mieux, que la France féodale fut faite presqu’autant par la femme noble que par le baron.

Si la femme noble bénéficie de droits politiques étendus, et, en ce domaine, d’une parfaite égalité avec le gentilhomme, le femme du peuple elle-même n’est pas sans participer, au moins en une certaine mesure, à la vie de la communauté villageoise ou de la ville de commune. On ne saurait soutenir, comme l’ont fait à tort certaines féministes contemporaines, que la participation des femmes aux araires municipales fut une loi générale et communément observée. Mais il est prouvé que, dans les communes suivant la loi de Beaumont-en-Argonne ou des lois analogues, c’est-à-dire dans le nord-est de la France et le Luxembourg, ainsi que dans certaines localités du Midi (Languedoc, vallée de Saint-Savin, dans les Pyrénées), le droit de siéger à l’assemblée de ville ou de village appartenait à toute veuve ou fille possédant une maison ou tenant un commerce. Une bulle d’Innocent IV consacre le droit des femmes à siéger, suivant la coutume de France, dans les Universités, autrement dit les assemblées populaires où l’on débattait les questions intéressant la cité. Enfin dans certaines régions de la Touraine (Ferrières ) des femmes (probablement des filles ou veuves de propriétaires) prirent part aux élections pour les premiers États généraux. De ces faits, et de bien d’autres, on petit conclure que le sexe n’était nullement un obstacle à l’exercice des droits politiques et que la roturière, comme la femme noble, les possédait toujours virtuellement, quitte à ne les exercer effectivement que lorsqu’ils ne l’étaient pas en son nom par son mari.

Ces droits politiques, les femmes les verront tomber peu à peu en désuétude, par suite de l’action centralisatrice de la royauté qui fera disparaître tous les grands fiefs, dans les petites ou moyennes seigneuries, supprimera presque complètement les droits souverains des seigneurs, et d’autre part réduira presqu’à rien les libertés communales. D’ailleurs, à partir du xive siècle, le droit romain l’emportant décidément sur le droit féodal, on ne comprendra plus qu’une femme puisse être juge ou général d’armée, ni même qu’elle puisse prendre normale-