Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/157

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Pompadour ne lui appartiennent pas — encore qu’on les puisse tenir pour d’une authenticité égale à celle des discours que les historiens anciens prêtent à leurs héros. Mais ils représentent bien certainement un aspect de l’opinion publique, que son attitude ne pouvait totalement démentir…

Ainsi il semble bien qu’en politique extérieure comme en politique intérieure, Mme  de Pompadour eut bien souvent une action toute personnelle, qu’on ne puisse absolument identifier sa politique ni avec celle des ministres ni avec celle du roi et que, si cette politique a manqué de suite et de cohérence et n’a été trop souvent qu’une politique au jour le jour, du moins n’a-t-elle pas été soumise uniquement aux caprices et aux impulsions irraisonnées, mue par des sympathies ou des antipathies personnelles et qu’enfin la marquise ait eu souvent présents à l’esprit la gloire et les intérêts de la France. La plus sévère critique ne pourra que lui appliquer la parole d’Ovide :

Video meliora proboque deteriora sequor.

Premier ministre, Mme  de Pompadour apparut bien telle aux contemporains. Et comme, sous son gouvernement, la France subit humiliations et défaites et supporta la misère, tous les malheurs du pays lui furent attribués et beaucoup de Français, à la Cour et surtout dans le peuple, pensèrent qu’il eût suffit de la volonté de Mme  de Pompadour pour transformer comme d’un coup de baguette magique toute la situation extérieure et intérieure de la France. Les sentiments du peuple à son égard et l’idée exagérée que l’on eut de sa puissance, l’auteur anonyme de ses lettres les fait dépeindre par Mme  de Pompadour à plusieurs reprises. « On m’accuse, dit-elle, de vendre aux ennemis les intérêts et l’honneur de la France…, on m’impute la misère publique, les mauvais succès de la guerre. On m’accuse de vendre tout, de gouverner tout. Il arriva l’autre jour qu’un bon vieillard, au dîner du roi, s’approcha de lui et le pria de vouloir bien le recommander à Mme  de Pompadour. Un autre me présenta un mémoire sur les finances, me priant de prêter 100 millions au roi. Je devrais rire de pareilles choses, dit Mme  de Pompadour, et j’en pleure… ». Dès l’instant, en effet, qu’on la crut toute puissante, on lui attribua toutes les fautes, tous les malheurs du règne.

Nous avons vu jusqu’à quel point la légende le justifie. Il nous paraît donc bien démontré que Mme  de Pompadour a eu non seulement une grande influence sur le roi et sur le