Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/164

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affaires publiques devenaient en effet de plus en plus notoires. Une lettre, écrite à Mercy Argenteau au moment où il est question du départ de Brienne et de son remplacement par Necker, jette une vive lumière sur la situation de la reine vis-à-vis du roi et dans la gouvernement. « Quel homme prendre, écrit la reine, pour mettre à la tête de tout ? car il en faut un, surtout avec M. Necker : il lui faut un frein. Le personnage au-dessus de moi n’est pas en état et moi, quelque chose qu’on dise et qui arrive, je ne suis jamais qu’en second et il me le fait souvent sentir[1]. »

Ainsi Marie-Antoinette juge nécessaire de prendre la direction du gouvernement mais, à cette heure encore, Louis XVI, très jaloux de son autorité, n’admet pas volontiers que la reine l’exerce. Il n’a d’ailleurs que des velléités de résistance et, étant incapable d’une politique suivie, laisse en fait le pouvoir à la reine qui, d’ailleurs, n’a elle-même que « peu de suite dans les idées ». C’est la reine et son conseiller, Mercy Argenteau, qui décident Loménie de Brienne à se retirer et Necker à accepter le ministère. Peu après, la reine porte au ministère des affaires étrangères le comte de Saint-Priest, son candidat, lors de la mort de Vergennes et qu’elle n’avait pu d’abord faire nommer. Elle commence alors d’assister au Conseil.

C’est donc seulement à la veille de la Révolution que Marie-Antoinette prend véritablement la direction des affaires. Au cours de la Révolution, cette influence sera prépondérante et la volonté de la reine se substituera dans bien des cas à la volonté du roi.

Mais on peut dire que, jusqu’à l’ouverture des États Généraux, le rôle de la reine fut relativement peu important.

Absolument nulle dans les affaires extérieures, impuissante à amener le cabinet de Versailles à suivre dans sa politique aventureuse le cabinet de Vienne, l’influence de Marie-Antoinette ne s’exerça dans les affaires intérieures que par instants et sans que, jusqu’en 1789 au moins, le roi s’y soumit de plein gré.

En tout cas, on ne trouve chez elle avant la Révolution aucune politique vraiment personnelle. Poussée, soit par la cour de Vienne, soit par le parti des Polignac, manœuvrée par des diplomates comme Mercy Argenteau, des politiciens comme Brienne et Calonne, des intrigants comme Besenval, la reine fut, comme à d’autres époques une Mme  de Mailly ou une Dubarry, l’instrument des ambitions et des partis…

  1. Marie— Antoinette à Mercy Argentea », du 13 août 1788. Correspondance de Mercy Argenteau, publiée par Arneth et Flammermont.