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Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/237

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triomphe par son invention et les reines lui font un sourire[1]. » Dès ce moment, d’ailleurs, l’industrie de la mode a pris presque toute l’ampleur qu’elle a aujourd’hui parce que, dès ce moment, elle doit satisfaire non seulement aux besoins de la clientèle de Paris et de la province, mais à ceux de l’étranger. Dès ce moment, les grandes maisons de modes de la capitale fournissent les élégantes de l’Europe entière. « Les marchandes de modes, dit Mercier, couvrent de leur industrie des chiffons la France entière et les nations voisines…, leur art soumet l’univers. » Et Mercier nous montre la marchande de modes habillant de robes somptueuses des poupées, modèles de l’année, qu’elle dirige ensuite sur tous les pays du monde. « L’une va dans les pays du Nord, l’autre en Italie, celle-là jusqu’au sérail. »

Dès la fin du xviiie siècle donc, l’étranger est habitué, de Stockholm à Stamboul, à n’obéir, dans le domaine des modes, qu’aux inspirations de Paris. On se fournit directement dans la capitale ou du moins on s’efforce d’imiter les créations des marchandes de modes en vogue.

L’industrie de la mode apparaît donc, au xviiie siècle comme aujourd’hui, une de ces industries de luxe pour lesquelles la France a dans le monde une vraie suprématie. Le commerce d’exportation auquel elle donne lieu est l’un des éléments essentiels de la prospérité française. Ce dernier trait achève de nous montrer l’industrie de la mode comme constituée avec tous les caractères qu’elle présente aujourd’hui. L’ampleur de son rayonnement, la variété de ses débouchés lui permet de faire vivre des milliers d’ouvrières ; le travail de celles-ci est l’une des forces, l’une des richesses principales du pays.

Ce n’est pas seulement dans l’industrie de la mode que la femme tient la première place, c’est dans toutes les industries de luxe de la capitale et des grandes villes de province.

Soit pour son propre compte, soit avec son mari, la femme paraît dans toutes les boutiques où fréquente une clientèle élégante. « Les femmes, dit encore Mercier, sont occupées dans les plus petites parties du commerce concernant la bijouterie, la librairie, la clincaillerie ; elles achètent, transportent, échangent, vendent et revendent ; tous.les comestibles passent par leur main[2]. » Leur bon goût, leur art de disposer un étalage, de mettre en valeur la marchandise, le sourire dont elles accueillent le client, la grâce de

  1. Loc. cit.
  2. Ibid.