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Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/281

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veuillent échapper à l’autorité des hommes et c’est pourquoi elles se tiennent un peu à l’écart.

Les jours de fête, c’est la danse qui, dans toutes les provinces, passionne les femmes à l’envie et que les curés s’efforcent vainement d’interdire. Parfois passe une troupe de saltimbanques ou un théâtre forain.

Bien que les philosophes du xviiie siècle prônent la campagne comme le dernier asile de la vertu et que tel d’entre eux, comme Quesnay fils, voie dans les charnières « le temple de la foi conjugale », la réalité dément ces illusions. Si, au cours des veillées, les femmes tenaient à s’éloigner du centre du village, c’était pour recevoir plus aisément des amants. Les procès de séduction encombrent les greffes de toutes les justices provinciales. Mariée jeune, la paysanne n’attendait pas toujours le mariage pour écouter les propositions de son galant et souvent elle s’en repentait. Aussi les dissimulations de grossesse étaient-elles nombreuses et les autorités provinciales rappelaient-elles constamment aux curés de lire au prône l’édit de Henri II, portant des peines sévères contre les femmes coupables de tel délit.

Pendant les périodes de l’année où elles restent oisives au village, les femmes occupent leurs loisirs par des « cancans » ou d’interminables disputes entre voisines qui, particulièrement dans le Midi, où l’on a la tête plus près du bonnet et où le répertoire d’injures est bien plus copieux, donnent lieu fréquemment à des procès. Prompte à injurier son voisin ou sa voisine, la Languedocienne, la Pyrénéenne, l’Auvergnate poursuivent volontiers en justice ceux ou celles qui ont tenu contre elles des propos qu’elles jugent calomnieux. Les archives des greffes de l’Aude, de l’Hérault, de la Gironde, de l’Ariège fourmillent de procès qui ont pour origine des querelles de femmes et qui se terminent par l’obligation pour la mauvaise langue, homme ou femme, de faire amende honorable et d’aller dans la maison même de la calomniée témoigner de sa vertu.

Les villageoises sont pieuses, fréquentent assidûment la messe et prient avec ferveur les saints locaux ; toutes les superstitions trouvent en elles des adeptes convaincues ; les Bretonnes ne négligent pas de guérir leurs maladies en se baignant dans les fontaines miraculeuses[1].

Cependant, il ne faut pas se les représenter comme complètement abêties par une oppression rigoureuse et formant un troupeau

  1. Arch. Départ., Morbihan, E. suppl. 821