Aller au contenu

Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/291

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que la femme ne consentît à l’épouser, et cette loi resta en vigueur jusqu’en 1730, date où une ordonnance royale l’abrogea et interdit que la peine capitale put être levée par le mariage[1].

En pratique, d’ailleurs, cette peine n’est presque jamais appliquée contre le suborneur[2].

Devant toutes les juridictions provinciales des milliers de dénonciations sont portées par des femmes contre leur séducteur. Ces dénonciations visent particulièrement des maîtres qui ont abusé de leurs servantes[3] et des curés qui ont détourné leurs paroissiennes, des militaires et de petits employés des bureaux de l’Intendance ou des gabelles, des maîtres d’école ; il est bien rare que les tribunaux laïques ou ecclésiastiques devant lesquels viennent ces affaires prononcent des peines afflictives contre les coupables.

La plupart du temps ils sont seulement condamnés à une amende versée à la femme « pour frais de gésine » ; d’autres fois, l’homme qui a séduit une fille et s’est cependant marié avec une autre peut voir son mariage rompu comme entaché de nullité, « être adjugé comme mari à la demanderesse, ou condamné à lui fournir une dot[4] ».

Cependant, malgré les avantages qu’elles pouvaient espérer d’une action contre leur séducteur, beaucoup de femmes hésitaient à « consigner dans un monument public la preuve de leur fragilité[5] ».

On essaya donc d’encourager le mariage, mais ni le gouvernement central ni les autorités qui le représentent n’interviennent et tout revient à l’initiative privée, autorités locales ou simples particuliers.

Très nombreuses sont les personnes qui, en mourant, laissent une certaine somme dont les revenus seraient consacrés à doter les filles pauvres. De telles fondations existent dans le Dauphiné[6], en Lorraine[7], en Berry[8], en Nivernais[9], en Auvergne[10] et dans la plupart des localités de l’Ile de France, où les fermiers géné-

  1. Arch. Départ., Drôme, B. 48.
  2. Cependant un gentilhomme fut décapité pour crime de rapt. Corrèze, B. 347.
  3. Arch. Départ., passim, série B.
  4. Arch. Départ., Aube, G. 4184.
  5. Arch. Départ., Corrèze, B. 655.
  6. Arch. Départ., Drôme, E. 7941.
  7. Arch. Départ., Meurthe-et-Moselle, B. 5979.
  8. Arch. Départ., Indre, H. 100.
  9. Arch. Départ., Nièvre, B. 219.
  10. Arch. Départ., Puy-de-Dôme, C. 1324.