Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/360

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intermédiaires, les propriétaires de tout ordre, nobles ou roturiers ; elle impose des charges, confère des droits, crée des obligations de nature non seulement civile, mais, dans une certaine mesure, politique.

Dans cette organisation de la propriété, les femmes gardent la place qu’elles ont tenue au moyen-âge.

Presque toute propriété foncière est, de nom, un fief ou une seigneurerie. Et sans doute, ce mot n’implique plus une souveraineté politique, comme il l’impliquait au moyen-âge, mais un ensemble de relations dont la forme est féodale.

Qu’elle apporte en dot une tenure féodale, ou qu’elle épouse un homme qui possède une telle tenure, la femme entre dans l’organisation féodale et, suivant les cas, elle participera aux obligations féodales de son mari, ou, fille ou veuve, les exercera seule et pour son propre compte.

À la fin du xviiie siècle et à la veille même de la Révolution, comme permettent de le constater les procès-verbaux d’élection qui accompagnent les cahiers des États Généraux et les publications in extenso des cahiers d’une province donnée, où l’on s’est préoccupé de rechercher de quel seigneur relevait chaque village, les femmes seigneurs étaient nombreuses dans toutes les provinces de France.

En Champagne, nous relevons des femmes seigneurs ou co-seigneurs[1] dans maints villages, tels Nozays (Mme de Coiffi), Trois-Maisons (Mme de Bussy-Lamet), Villemereuil (Mme Bonamy), Paisy (Madeleine Fabry), Binarville[2] (Mme d’Elbœuf).

Dans les provinces du Nord et de l’Est (Flandre, Lorraine, Hainaut), les femmes seigneurs semblent peu nombreuses. Cependant, nous trouvons en 1754, dans le Beauvaisis, deux femmes seigneurs de fiefs importants : la duchesse de Bourbon possède, au début du xviiie siècle, de son chef, de très vastes domaines[3] dans lesquels sont inclus Arches et Charleville. Nous trouvons également, au début du xviiie siècle, une femme exerçant des droits seigneuriaux à Liévin[4].

  1. Arch. Départ., Aube, C. 1190, E. 900-965.
  2. Arch. Départ., Marne, C. 538.
  3. Arch. Départ., Oise, G. 343.
  4. Arch. Départ., Pas-de-Calais, B. 311.

    Plus tard, on trouve aussi une dizaine de seigneuries importantes : Alincourt, Aubucourt, la Ruière, Lougne-la-Croix, Belleville, Gruyère, la Hoigne, Pathes, Pont-sur-Vence, Sompy, Terron-sur-Aisne, tenues par des femmes laïques ou religieuses. Arch. Départ., Aisne, C, passim.