Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/403

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philosophe les juge en pleine harmonie avec les desseins de la nature. Les qualités différentes des deux sexes se complètent pour former un ensemble qui est l’homme parfait. Les deux sexes doivent vivre l’un pour l’autre. Le mâle courage de l’un est tempéré par la souplesse de l’autre qui, à son tour, emprunte ce même courage, « Les idées des hommes prennent une teinte plus gracieuse dans la compagnie des femmes, tandis que, auprès d’eux, elles perdent ce qu’elles ont de trop léger.

Leurs différentes qualités se balancent et de ce mélange naît un accord heureux. La différence des esprits doit être comparée à celle qui se trouve dans les voix. C’est un agréable concert plutôt qu’une dissonance ». C’est donc la théorie des deux sexes complémentaires qui est ébauchée. Poussée, développée ; elle sera le fond de la doctrine des saint-simoniens.

ii. Voltaire : hésitations et contradictions

Voltaire n’affirme pas avec autant de conviction l’égalité naturelle des deux sexes. Sur ce point sa pensée est pleine de contradictions et de réticences. Sans doute il se montre à maintes reprises, nous le verrons, défenseur des droits de la femme, mais n’est-ce pas plutôt parce qu’elle est un être faible opprimé, que parce qu’elle est vraiment une égale privée par l’usurpation masculine de ses droits ?

Ses articles du Dictionnaire philosophique permettraient de le supposer.

Il semble que Voltaire y reprenne le vieux préjugé sur l’infériorité naturelle du sexe. « Au physique, dit-il, la femme est de par sa physiologie plus faible que l’homme, les émissions périodiques de sang qui affaiblissent les femmes et les maladies qui naissent de leur suppression, les temps de la grossesse, la nécessité d’allaiter les enfants et de veiller assidûment sur eux, la délicatesse de leurs membres les rendent peu propres à tous les travaux, à tous les métiers qui exigent de la force et de l’endurance. »

Et, comme le physique gouverne toujours le moral, l’infériorité spirituelle accompagne l’infériorité corporelle. « L’homme a d’ordinaire beaucoup de supériorité par la force du corps et même de l’esprit[1]. »

  1. Dictionnaire philosophique : Femmes. Œuvre complète. Nouvelle édition conforme à l’édition Beuchot. Paris, 1883-85.