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Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/424

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ment à une formation morale destinée à faire d’elles de chastes épouses et des mères vertueuses, et à la pratique des travaux ménagers.

Comme les Spartiates instituaient entre les jeunes filles des concours d’endurance, Restif de la Bretonne propose d’instituer, entre toutes les jeunes filles d’une même localité, des concours de vertu. Aux deux grandes fêtes du solstice d’été et du solstice d’hiver, les jeunes filles les plus vertueuses seraient couronnées et auraient le droit de se marier dans l’année. Celles qui auraient péché contre la chasteté ne paraîtraient pas à ces divertissements.

Si l’enseignement littéraire et scientifique est proscrit, l’enseignement pratique est organisé sur les bases les plus solides. Restif de la Bretonne, en effet, se préoccupe d’assurer le recrutement d’un personnel enseignant.

« Les maîtresses, dit-il, seraient des « veuves exemplaires », qui n’auraient obtenu cette place qu’après l’examen le plus rigoureux subi devant le curé et les vingt-quatre plus anciennes paroissiennes (de chaque village), dont on formera un comité qui s’assemblera tous les premiers vendredis de chaque mois[1]. » Des inspecteurs surveilleraient les familles et enjoindraient aux parents de se conformer, pour l’éducation de leurs filles, aux lois établies.

Sous la direction de ces maîtresses, les jeunes filles apprendront tous les arts lucratifs convenables à leur sexe (aiguille, broderie) et s’initieront aux travaux ménagers. Le plan de Restif de la Bretonne avec sa division rigoureuse des jeunes filles : paysannes, ouvrières, bourgeoises et filles du premier état, avec son interdiction de la lecture et de toute éducation littéraire, apparaît tellement bizarre que, si l’on ne connaissait le caractère de l’auteur du Paysan perverti, homme à systèmes et toujours persuadé de l’excellence de ses théories, on pourrait se demander s’il parle sérieusement. Il y faut voir une déformation des idées de Rousseau, au même titre que la brochure qu’en 1801 publia Sylvain Maréchal : Projet de loi défendant aux femmes d’apprendre à lire.

Si l’on a beaucoup discuté, au xviiie siècle, le problème de l’éducation féminine, on n’est pas arrivé à se mettre d’accord sur une solution pratique. Aucun de ceux qui ont prétendu rénover l’édu-

  1. Restif de la Bretonne. Loc. cit.