Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/453

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« sans aucune espèce de tyrannie », tous les métiers qui doivent la nourrir, c’est supprimer la maîtrise et les impossibilités pécuniaires « qui la rendent inaccessibles ». C’est donc établir définitivement un régime de liberté du travail[1].

Mais cette liberté elle-même sera inutile si les hommes continuent, comme les lois le leur permettent, de faire concurrence aux femmes sur leur propre terrain. Il faudrait donc rendre aux femmes la pleine propriété des métiers qui leur appartiennent et interdire aux hommes les métiers féminins (nous retrouvons ici Rousseau) : « N’est-il pas ridicule de voir des coiffeurs de femmes, des hommes qui tirent l’aiguille et qui usurpent la vie sédentaire, tandis que celles-ci sont obligées de se livrer à des travaux pénibles ou de s’abandonner à la prostitution ? »

Et il signale, avec éloges, une initiative du gouvernement du Portugal qui, « voici quelques années, a défendu aux hommes de se mêler de faire telle profession réservée à cette belle moitié de l’espèce humaine à qui la nature n’a accordé que sa faiblesse et ses charmes » [2].

Ces réformes accomplies, les femmes du peuple auront gagné la liberté, leur misère disparaîtra et une industrie nouvelle pourra naître. Ce dernier point de vue, sur lequel malheureusement Mercier n’insiste pas, est fait intéressant. Comme nombre de féministes modernes, Mercier envisage que les femmes, entrant plus largement dans les industries de luxe et y apportant leurs qualités propres, sont susceptibles de rénover ces industries. Comme Mercier, Beaumarchais a aperçu la misère des ouvrières ; comme lui, il les a vues, du fait même de cette misère, en proie à la séduction : « Hommes ingrats, s’écrie Marceline, qui flétrissez les jouets de vos passions alors que vos magistrats nous laissent enlever… tout honnête moyen de subsister !.,. Est-il un seul état pour les malheureuses filles ? Elles avaient droit à toute la parure des femmes. On y laisse former mille ouvriers de l’autre sexe… » Mais Mercier et Beaumarchais ne furent pas suivis.

iv. Revendication des professions libérales

Les femmes de lettres, qui ont combattu en faveur de l’émancipation de leur sexe, n’ont guère aperçu la misère des ouvrières ou,

  1. Mercier écrit après le rétablissement des corporations.
  2. Mercier. Loc. cit. : Cette disposition fait partie de l’ensemble de mesures prises par Pombal qui réorganisa l’industrie portugaise.