Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/75

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non plus d’ailleurs qu’à celui des garçons pour qui il ne serait pas moins indispensable — et combien de féministes ont songé à réclamer cette réforme sans laquelle la femme est trop souvent désarmée ?

Ainsi nul mieux que Fénelon et avec une plus rigoureuse logique n’a déduit du rôle essentiel de la femme dans la famille et dans la société tout un vaste programme de connaissances pratiques lui permettant d’exercer ce rôle, non d’une manière empirique, mais d’une manière scientifique. Et ces écoles ménagères, ces cours de puériculture, qui se sont d’abord développés à côté de l’enseignement primaire ou secondaire féminin puis peu à peu s’y intègrent, apparaissent bien comme des développements et des réalisations de la pensée du Cygne de Cambrai.

Il ne faudrait pas croire cependant que tout l’idéal de la femme soit, pour Fénelon, l’excellente ménagère telle que dans l’Économique la dépeint Xénophon.

Si elle doit s’abstenir rigoureusement de tout pédantisme, il est légitime qu’elle cherche par des lectures substantielles à fortifier son esprit et, par la pratique des beaux esprits du passé, à le parer de grâces décentes. Lorsque son éducation pratique sera complète, et alors seulement, il ne sera pas mauvais en effet de la mettre à même de trouver des distractions honnêtes. Les histoires grecques et romaines, l’histoire de France, « qui a aussi ses beautés », les lui fourniront.

Ainsi, tout en ayant dès l’abord restreint en des bornes assez étroites le champ des connaissances féminines, Fénelon, par un curieux détour, arrive à tracer un programme d’une ampleur immense, quasi encyclopédique et qui est bien loin même d’être réalisé dans toutes ses parties. Un tel programme, bien entendu, n’est applicable qu’aux filles de qualité. Et Fénelon a beau, dans un paragraphe de son étude, spécifier nettement que bien différente doit être l’éducation de celle qui est destinée à vivre à la Cour et de celle qui sera retenue dans un milieu plus humble, il est bien évident que les préoccupations de l’archevêque de Cambrai ne descendent pas au-dessous de la moyenne bourgeoisie et que la quesstion de l’instruction des filles du peuple se pose à peine pour lui.

ii. Mme  de Maintenon et Saint-Cyr

Presqu’à la même époque où Fénelon écrit son Traité de l’éducation des filles, Mme  de Maintenon, réalisant un plan longuement