Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/79

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Chine, Voyage aux îles de la Vertu), et la Morale tirée de l’ancien Testament ; pour la classe jaune, la Vie des Pères, l’Introduction à l’étude de la vie dévote de saint François de Sales, les Conversations de Mme  de Maintenon ; pour la classe bleue, enfin, des Conversations et Proverbes, les Instructions de Mme  de Maintenon, des Chants et motets, les partitions d’Esther et d’Athalie[1]. Ainsi la morale, la religion, la musique tiennent toujours la première place. Toujours aussi on s’occupe de rendre les études attrayantes. Des jeux nombreux et variés sont à la disposition des élèves qui, suivant leur âge, utilisent quilles, boules, raquettes, lotos, jonchets, dames, ou échecs. On continue de donner des représentations théâtrales. Ainsi Saint-Cyr reste, au bout d’un siècle, l’image fidèle de ce qu’il était lors de son établissement. Il semble même que, pour la noble maison, le temps n’ait pas marché et qu’elle soit exactement la même qu’au siècle passé. Sous Louis XVI, les jeunes filles, toujours coiffées suivant la mode de 1689, portant sur leurs cheveux frisés et poudrés le bonnet rond, engoncées dans leurs fraises et leurs collerettes, comme au temps du Grand Roi, continuent à danser la pavane sur des airs de Lulli.

Si l’instruction est en somme assez sérieuse et distribuée selon d’excellentes méthodes, si la Maison Royale de Saint-Cyr reste célèbre dans toute l’Europe comme le modèle accompli de l’établissement d’enseignement secondaire de jeunes filles, et au point que les Souverains réformateurs, telle la grande Catherine, ont pour idéal de l’imiter, il ne semble pas que Mme  de Maintenon ait réussi à perpétuer l’esprit qui l’animait. Elle se proposait de former des jeunes filles simples, modestes, aimables, prêtes à remplir leur rôle de mère de famille auprès de petits nobles provinciaux et ne visant pas à sortir de leur état. Or, un orgueil démesuré, une morgue de grandes dames alliée à une raideur monastique apparaissent justement comme les traits essentiels du caractère des pupilles de Sa Majesté et pour ainsi dire comme le ton de la maison.

« Ces filles, dit un jour Louis XV, sont des bégueules… elles sont élevées de manière qu’il faudrait de toutes faire des Dames du Palais, sans quoi elles sont malheureuses et impertinentes[2]. »

Il s’en faut donc de beaucoup que les élèves de Saint-Cyr pratiquent le précepte de la fondatrice : « Prenez toujours la dernière place plutôt que la première… »

  1. Inventaire de la bibliothèque de Saint-Cyr. Arch. dép., Seine-et-Oise, D. 119 et D. 135.
  2. Mme  Duhausset. Mémoires.