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Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/83

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nous fait Mme Roland, cette éducation est surtout artistique. Les sciences, même l’arithmétique, n’y tiennent qu’une très petite place et il en est de même de la littérature française. Mais sur ce dernier point du moins, les jeunes filles trouvent, elles, le moyen de compléter seules leur instruction. Mme Roland dévore au hasard « des récits de voyage, la Bible, la vie des Saints, les guerres civiles, et le roman comique, les mémoires de Mme de Motteville et les Vies de Plutarque », qui eurent sur elle une si grande influence. Favorisée par l’indifférence maternelle (que toutes les mères ne durent pas imiter), elle ne néglige pas de lire des romans et les contes de Voltaire. Ainsi, lorsque la jeune fille est intelligente, réussit-elle à acquérir une instruction variée. Mais, ce sont là des traits qui persisteront jusqu’à la fin du xixe siècle, toujours se fait sentir dans l’éducation des jeunes filles l’absence de connaissances scientifiques et le dédain des choses pratiques. Nulle place n’est faite en effet à l’instruction ménagère comme l’aurait voulu Fénelon.

Un grand nombre d’établissements religieux assurent également l’éducation des jeunes filles de la bourgeoisie. En 1607, la Dame de Montferrand fonde l’ordre des religieuses de Notre-Dame qui organise pour les jeunes filles des établissements analogues à ceux des Jésuites pour les garçons. Ces établissements existent en Guyenne, Languedoc, Poitou, Maine, Normandie, Rouergue, Auvergne, Bretagne, Franche-Comté[1]. Les Ursulines, les Visitandines, les Bernardines ont également ouvert de très nombreuses maisons où l’on reçoit, avec les filles du peuple, celles de la bourgeoisie. L’éducation qu’on y dispense aux jeunes filles reste toujours assez rudimentaire. La plus savante parmi les maîtresses « se pique d’instruction, fait des broderies superbes, donne de bonnes leçons d’orthographe, n’est pas étrangère à l’histoire et est jalousée par les chères sœurs qui en savent moins qu’elle[2] ». C’est dire que le programme n’est ni varié, ni approfondi. À côté des couvents, fonctionnent pour la bourgeoisie, comme pour le peuple, les petites écoles où enseignent des maîtresses laïques. C’est ainsi que, dans la paroisse Saint-Jean-en-Grève, à Paris, il existait une école où plusieurs maîtresses enseignaient, en diverses classes, « quatre ou cinq cents demoiselles bourgeoises et autres, de toutes conditions, bien mises et bien vêtues, qui payent et font des cadeaux » [3].

  1. Cf. Arch. Nat., D. XIX, 1-17.
  2. Mme Roland. Mémoires.
  3. Jézé. Tableau de Paris.